vendredi 23 avril 2010

GS II - Courriel n°15: Vieux Didier et le proctologue

Didier de Lannoy
Grand Satan

GS II - Grand Satan et la pancréatite (sottisier de courriels)
2006-2007

Extraits
Les destinataires des différents courriels ne sont pas indiqués



A propos de Nassogne au Togo, voir aussi: ---------------------------------------------------------------------------------------------------



Où Vieux Didier demande à Paulo Carter de se porter une dernière fois à son secours mais


La nuit dernière, petite chérie, après quatre jours d’accalmie, mes douleurs sont revenues. En rampant. Elles sont est sorties

- Avais-tu pensé à « bomber » de l’insecticide partout, douchka ? Sous le lit, derrière les rideaux, à l’intérieur des armoires, dans les tiroirs… et, pourquoi pas aussi, sous les bras et entre les jambes ? Le spray insecticide, c’est encore le meilleur remède contre les revenants, tu sais !

- Puis-je ou dois-je, petite chérie, communiquer cette recette aux soldats américains d’Irak et d’Afghanistan, odieusement persécutés par les fantômes de leurs victimes et qui n’osent même plus se rendormir ?

- Jamais ! Qu’ils chient de trouille et pissent sous eux, dans leur armure ! Que Grand Satan leur serre les couilles dans un étau jusqu’à ce qu’ils demandent des comptes aux malfrats qui les gouvernent et les obligent à « changer de voie » ! Et que même les joueurs du Standard de Liège (ces vendus !) pilent, écrasent et pulvérisent les légionnaires de l’Empire !

de l’ombre où elles s’étaient tapies. Au moment même où je croyais en être définitivement débarrassé. Et depuis lors elles ne me lâchent plus.


Qu’ai-je donc mangé qui les auraient réveillées, mes douleurs ? Une omelette et une

- Ça m’étonnerait, douchka !

papaye à midi. Et, le soir, des amadans frits

- Des amadans, douchka ?

- Des abladjos, si tu préfères ! Des bananes plantain, quoi !

- En guin ?

- En guin, bien sûr !

- Frimeur ! Bien qu’ayant vécu vingt-sept ans au Congo, tu n’as jamais été foutu d’y apprendre le lingala, le kikongo, le tshiluba ou le swahili, douchka… et maintenant tu fais semblant de parler le guin !

la moitié d’une

- Je t’envie, douchka ! J’ai faim !

andouillette de Michel Dehoux…


Ana avait mis dans ma valise, au dessus de mes pantalons wax et de mes t-shirts, une dizaine d’andouillettes, emballées sous vide et placées dans un sac frigorifique, qu’elle destinait à Gougoui, son beau-père… et j’ai eu très peur que mes fringues

- Tu es vraiment trop chiant, douchka !

ne schlinguent les entrailles pourries… et que les odeurs de merde de ces « affaires intérieures » ne s’insinuent sournoisement dans les boyaux de mon appareil respiratoire…


et des pâtes à la sauce tomate. Et du pain aussi, midi et soir… cuit au four à bois

- Celui de Michel, douchka !

- Non, un autre… un des nouveaux fours du gite rural de Nassogne ! Plus grand, plus beau, plus fort ! Et puis arrêtons de parler du four de Michel ! Trop de rasades de sodabi vont finir par lui monter à la tête! Il va se prendre une sacrée cuite !

- Comme Nestor, douchka ?

- C’est une mauvaise pente qui menace tous les grands cuisiniers, naan ? Un travers dans lequel ils tombent tous, naan ?

- Aaah, douchka, mon mari… Tu vas encore te faire plein d’amis !

- Qui ça ? G.W. Bush (dont l’objectif prioritaire reste de promouvoir la démocratie au Moyen-Orient, n’est-ce pas ?) sans doute… Mais tout de même pas Michel Dehoux, Kungu Luziamu, Nestor le cuisinier français, Paulo Carter, Jipéji ou Max Ngbanzo Lamangale… même si quelquefois je les taquine ! Ils ont encore de l’humour ces gens-là, naan ?

- Nestor aussi tu crois ?

- C’est moins sûr…

- Et Grand Dieu ?

- Satan me protègera !

- Et Kangni Alem, ton « ami truculent », ton « écrivain de référence » ? Et Nadine Platteau, ta « conscience sociale» ?

- Je ne sais pas encore…J’ai un peu peur… On verra bien…

- Et Yao le cuisinier allemand ?

- Si tu lui montres ce que j’ai écrit sur lui, je crois que je suis mort !

- Et lorsque tu seras mort, c’est évidemment moi qui devrai gérer tout ton bordel, douchka… l’actif et surtout le passif… Je ne pourrai même pas, pour me faire un peu de blé et sortir de la dèche (des toilettes à faire réparer d’urgence, un découvert à Fortis que je dois absolument « combler » dans la quinzaine sous peine de devoir restituer ma carte de banque et de perdre tout accès au crédit), tenter de vendre (comme on revend un vieux fusil de chasse rouillé et une litho rongée par les moisissures reçus en héritage) l’un ou l’autre de tes bouquins à l’un ou l’autre éditeur ! Personne n’en voudra jamais ! Ils auront tous trop peur d’avoir des procès sur le dos… pour propos diffamatoires ou blasphématoires, commérages d’alcoves, racontages, persiFLAGes, caquetages, propagation de fausses nouvelles…

- Pas de problème, petite chérie ! Les chicaneurs et les tracassiers, on se les gomme, on se les biffe et on se les élimine ! C’est comme ça qu’on les gère, les mauvais coucheurs et les lecteurs grincheux ! On peut aussi, si tu préfères, changer carrément le nom des personnages et leur attribuer à tous un nom de scène ou un nom de cuite… sous lequel personne ne pourra jamais les reconnaître… Je vois très bien, par exemple, Kangni Alem s’appeler désormais…

- Ingnak ?

- Mais non (cela a déjà été fait !)… « Kangnem » ou « Cave Canem ».

- Et Jipéji, douchka ?

- Jipéji (alias Jpj), je pourrais le qualifier de « Plume d’Oie Pointue» (alias Pop) ou de « Casoar Omniscient Râleur et Narcissique » (alias Corn)… Tu crois qu’il va aimer ça ?

- Pourquoi pas, c’est jazzy, non ? Mais les chiens, dis-moi… tu as intérêt à les rebaptiser si tu ne veux pas qu’ils te mettent en charpie…comment tu vas les désigner ?

- Pas compliqué, petite chérie ! Pit, Bull et Dog je les nommerais respectivement (Pit) Hans, Concilia (Bull) et (Dog) Matik…suggestion déjà formulée dans le courriel n° 08 mais à laquelle, semble-t-il, Gougoui n’est pas prêt de donner son assentiment…

- Et Paulo Carter ?

- Paulo, je le vois très bien emprunter (c’est juré, Popol, je te le rendrai aussitôt après la fête, nettoyé à sec et soigneusement repassé !) le beau costard et endosser le blaze de son vieux copain « Paul Van Ackere », alias « Popol », l’ancien pote de « Dikke Mich », non ?

- Je vois…

- Tu vois, ce n’est pas compliqué, c’est très simple ! On pourrait aussi, pour donner le tournis aux GPS, substituer le cimetière d’Aképé ou celui de Noépé au cimetière d’Adidogomé… Ils se situent tous les deux au bord de la grand-route, à droite en allant vers Kpalimé… ce qui plus commode et devrait faciliter les déplacements de Satan lorsque son cheval est en panne… Mais Aképé et Noépé ne sont plus des quartiers de la banlieue lointaine de Lomé, ce sont déjà les premiers villages de l’Avé… et, forcément, ils se trouvent encore plus loin de centre de Lomé qu’Adidogomé… ce qui pose quand même un problème… mais ça permettrait peut-être d’en résoudre un autre…

- Et lequel douchka ?

- L’autre problème, c’est qu’il n’y a pas de cimetière au pied du baobab d’Adigogomé…

- Ah bon ? Il n’y a qu’un seul baobad à Adidigomé, douchka ?

- Il y a un seul « vieux baobab » qui se trouve au bord de la route, à gauche, en allant vers Kpalimé, à côté de la station Shell, très âgé, pourri, bouffi, presque mort et qu’on aurait sans doute abattu depuis longtemps s’il n’était pas l’esprit même… et le point de repère du quartier… Ceci dit il y a peut-être d’autres baobabs à Adidogomé, moins célèbres…Mais c’est ce vieux baobab-là que tout le monde connaît et autour duquel le quartier s’est construit…

- Et les cimetières d’Aképé et de Noépé, ils ont, eux, été installés au pied d’un vieux baobab, je suppose ?

- Au pied d’un grand arbre, oui, petite chérie… Mais peut-être ne s’agit-il pas d’un baobab mais plutôt d’un kapokier… Ou d’un petit baobab… Après tout, avant de devenir croulants, les vieux baobabs ont d’abord été jeunes, non ? Et puis, de toute manière, tout ça n’a pas vraiment d’importance, il suffit que mon histoire paraisse vraisemblable, non ?

- Je vois, douchka… Et, si ça se trouve, peut-être est-il aussi interdit d’enterrer des morts au pied d’un baobab et peut-être n’y a-t-il même pas de cimetière à Adidogomé…

- Qu’est-ce que tu racontes ! Bien sûr qu’il y a un cimetière à Adidogomé, petite chérie… A la hauteur de La Pampa… Tu connais un endroit au monde où on ne meurt pas ?

- Je vois, je vois, je vois…C’est bien ce que je pensais… Tu es toujours aussi chiant…

tôt le matin, par Fo Bomboma.


Ai-je bu trop d’eau, trop fumé ?

Je ne comprends pas pourquoi je suis puni. Je ne vois pas de quelle infraction je me suis rendu coupable.


Le Bureau togolais des droits d’auteur aurait-il été saisi d’un sombre affaire de pillage ou de dévoiement du « papier » d’un jeune (simple supposition… peut-être s’agit-il d’un vieux crocodile… j’attends toujours que Crédo Tetteh me présente Denis Afantowou) journaliste de la presse loméenne et de la transformation d’une agréable chronique, allègre, hilarante et « réaliste » (et très vaguement « moralisatrice », pour faire passer le piquant d’une succulente sauce au piment sans doute…), en une lourde farce, carrément paillarde et totalement abracadabrantesque ?

- Débauchage insidieux et sournois ! Pratiques éhontées ! Procédés indignes et pervers !

Un chemineau maraudeur venu du froid, un Matchanga ayant fui le royaume de Tintin juste avant que la Flandre ne proclame son indépendance et n’encercle Bruxelles (et ne se prépare à l’investir ?), se serait-il chafouinement « emparé » de ce papier et en aurait-il quasiment dépossédé l’auteur ? Se serait-il permis de barbouiller un texte lumineux et pudique, de le corrompre, de l’avilir et de le dénaturer au point de le rendre salace ou inintelligible ?

- Intolérable confusion des genres !

Des mesures de rétorsion auraient-elles été décidées en haut lieu ? Adjibossou et le Dieu Hébiésso auraient-ils été informés de cette triste affaire et s’en seraient-ils

- Comportement perfide ! Dysfonctionnement grave ! Estompement de la norme ! Attitude déloyale ! Viles méthodes !

scandalisés et auraient-ils décidé d’intervenir fermement et de faire œuvre de justice… dans le respect des traditions séculaires ?

Un sort m’aurait-il donc été jeté ? Une malédiction

- Eh oui ! Pourquoi pas ? C’est tout à fait possible ! Tu es vraiment trop chiant, douchka !

me poursuivrait-elle ?


Que faire ?

Séduire à nouveau Paulo Carter ?

Lui dire : « Cher Paulo, excuse-moi de te demander pardon… mais j’ai de nouveau mal au bide et mes urines, derechef, foncent et reprennent des couleurs… Est-ce que tu ne pourrais pas, une fois de plus, me donner un coup de main… s’il te plaît, je t’en conjure, pitié, pardon… J’ai un problème, Paulo, oublie ta goutte ou ton hernie discale, oublie ma désinvolture outrageante, pardonne-moi mes offenses, rappelle-toi le temps du Zoeloe Bar à Leuven et porte-toi à mon secours ! »

Le supplier de relancer son enquête… Espérer qu’il accepte…Et, enfin

- La science, dit-on, libère…

savoir, parmi tous les différents suspects possibles, quel est, en fin de compte, le seul véritable coupable ?


Je contacte donc Paulo Carter et lui demande d’investiguer encore : Est-ce un sortilège ? Ai-je été maudit ? Sont-ce des brûlures d’estomac ? Serait-ce un effet

- Quel est le rapport, Vieux Didier ?

- En période d’harmattan, les portes et les fenêtres ne se ferment plus, les murs se fendillent, les douleurs se réveillent, les poignées se cassent, le fer à braises brûle les chemise, les grands-parents meurent plus souvent que d’habitude…

de l’harmattan ? Ne s’agirait-il pas plutôt les symptômes d’une nouvelle maladie ou les effets indésirables d’une ancienne médication ? Un cancer des intestins ou du rectum

- Ça, c’est un beau projet, naan ? dis-je en essayant d’être convaincant… C’est un projet qui a de la brioche et de l’embonpoint… et du fondement… et qui ne manque pas d’ambition, tu ne trouves pas, Paulo ?

- Oui, Vieux Didier, mais… ne souffrirais-tu pas d’une inflammation des gencives ?

- Et pourquoi, Paulo ?

- P arce qu’il paraît que l’inflammation des gencives accroît les risques de cancer du pancréas ?

- Le pancréas, on se le garde pour plus tard, Paulo ! On se le servira quand le frigo à gaz sera vide et le château d’eau presque à sec ! On se le fera bien cuire, on se le mâchouillera, on se le sucera et on en pressera tout le jus… Mais plus tard, Paulo, pas maintenant !

ne pourrait-il pas faire l’affaire ? »


Paulo Carter se montre un tantinet sceptique… perplexe… réticent… persifleur… goguenard

- Bon on laisse tomber les gencives… Mais la rage de dents, Vieux Didier, tu n’as jamais envisagé ça ?

- Tu te moques de moi, Paulo ?

- Non peut-être ! Et pourtant, c’est un père de famille nombreuse et un « plusieurs fois grand-père » ayant souvent gardé ses petits-enfants la nuit (pendant que les parents faisaient la bringue) qui te parle ! Je me rappelle que lorsque leurs dents poussaient, mes diablotins attrapaient parfois la chiasse, avaient des accès de fièvre ou souffraient de crampes d’estomac…

- Mais tu te fous vraiment de ma gueule, Paulo ?

- Non, peut-être ! Et si tu ne me crois pas, tant qu’à faire, Vieux Didier, pourquoi ne consulterais-tu pas un proctologue ?

- Un quoi ?

- Un spécialiste du trou de balle, tiens ! Vous allez très bien vous entendre !

Et Paulo Carter, victorieux et sarcastique, de se mettre à rire, rire, rire, rire, rigoler, s’esclaffer, s’ébaudir, se poiler, se bidonner, se gondoler, glousser, pouffer, se tordre, s’étranger et hoqueter d’un rire inextinguible, inextinguible, inextinguible, inextinguible, inextinguible, inextinguible, inextinguible …

Et moi, Vieux Didier, pour ne pas avoir l’air con, obligé de l’accompagner… et de faire le cheval et de remuer la tête de bas en haut et de hennir…

- Arrête, Paulo, arrête ! Tu me tues ! Je vais mourir !

et de piaffer et de ricasser et de me taper les mains sur les cuisses et de piétiner le sol de contentement et

- Tu m’as tué, Paulo ! Je suis mort ! Arrête !

de me tordre et de me tordre et de me tordre et de me tordre de rire.


Moralité ? Aucune !


Où, constatant que le « pulp-detective » n’a pas été capable de débrouiller l’affaire qui lui avait été confiée et que le vestiairiste du Zoeloe Bar s’était même permis de couvrir de ridicule son ancien collègue portier, Vieux Didier, furieux et désappointé, décide de laisser tomber son polar médical… et son sottisier… et de passer à autre chose


Ouais…

Je crois, petite chérie, que je vais plutôt faire une très longue sieste. Je commence à fatiguer. Et Paulo Carter en qui j’avais placé tous mes espoirs

- Tu l’as entendu se gausser de moi, ce Satan ? Tu l’as entendu!

- Bien fait pour toi, douchka ! Tu es vraiment trop chiant !

- Comment ça, petite chérie ?

ne me prend plus au sérieux et

- Comment ça ? Toi aussi ?

me jette dans les orties fesseuses et m’envoie sur les roses griffues et m’enterre jusqu’à la taille au beau milieu d’une fourmilière de piments noirs à pattes rouges. Et ça me mord les pieds et ça me pique les cuisses et ça me châtre le fraisier …


Cette enquête impossible n’aboutira donc jamais, je le crains… Quelques pistes et pas assez d’indices probants… Un enquêteur qui manque de conviction… Une épouse

- Je t’ai cherchée partout dans mon lit… en vain… D’abord, j’ai envoyé mon pied nu sous le drap… à ta rencontre… en mission d’exploration… Mais il n’a rien trouvé… Et puis ma main nue… à ta recherche… en campagne d’évangélisation ou en expédition punitive… Mais elle est également revenue bredouille… Et c’est alors que j’ai entendu le « vieux d’à côté » chanter à tue-tête (et, quelquefois, en sourdine)… pour fabriquer ses fétiches… vers trois ou quatre heures du matin… Et que je me suis levé…Et qu’au lieu d’aller vers la droite… et le pot de chambre, je suis dirigé, dans l’obscurité la plus totale, vers la gauche… et le mur… Et que je me le suis pris en pleine gueule…

dont le soutien laisse quelque peu à désirer…

Je laisse tomber…

Seule une autopsie permettrait un arbitrage. Mais je ne suis pas encore prêt à m’y résoudre… Ne serait-ce que pour ne pas donner à Gauthier l’occasion de railler à nouveau mes écrits « testamentaires » et autres « codicilles »…


Je vais aussi mettre fin à mon sottisier

- J’espère, douchka, que tu nous a écrit quelque chose de différent… et que ne t’es pas contenté de « donner une suite » à ton prétendu roman, indigeste et ennuyeux, insipide et doucereux, de l’année dernière ?

- Quel roman, petite chérie, « à Nassogne » ?

- Eh oui ! Ton truc était tellement chiant que je suis jamais parvenue à le lire jusqu’au bout ! Et puis tu avais écrit ça trop vite ! Pressé-pressé, quoi ! Tu nous avais bâclé ça en moins d’un mois… Et tu ne t’es même pas donné la peine, par la suite, de corriger ton texte (même pas les fautes d’orthographe !) ou de le reconstruire ! Il serait temps, à présent, comme te l’écrivait Nadine, que tu retrouves ton punch et ton swing !

- Quoi ? Nadine, notre propre fille, la « photocopie de son père » comme tu dis parfois, elle aurait écrit ça ?

- Mais non, Nadine Plateau… ta « conscience sociale» !

- Ma « conscience sociale» ? Pourquoi encadres-tu ces mots… comme s’ils étaient suspects de quelque chose ? Ça te chiffonne ? Ne serais-tu pas un peu jalouse, petite chérie ?

et arrêter d’adresser des courriels aux gens !


Je recommence, en effet, à devenir pesant et dogmatique… Et à porter gravement atteinte aux institutions… Et à m’en prendre, avec de gros sabots de plouc ardennais, aux calotins de toutes les religions, aux « Leucodermes » de toutes les races et aux « Américains » de tous les continents… Et même

- Un Ardennais ? Si c’est pas malheureux ! N’est-ce pas faire le jeu de l’extrême-droite, du Front national et du Vlaams Belang ?

- Qu’on embarque ce trou du cul au commissariat de Laeken ! Qu’on le déshabille intégralement ! Qu’on le force à faire des génuflexions ! Que le proctologue de la police lui fouille la prostate !

au Roi, à la Loi et à la Liberté…

- Tu recommences à mélanger littérature et politique, douchka ! Rappelle-toi ce que Claude Haïm t’a écrit...

- Mais je ne puis pas faire autrement, petite chérie ! Je n’ai jamais conçu l’un sans l’autre ! J’ai toujours fonctionné comme ça ! C’est indissociable ! Et d’ailleurs Claude ne m’aurait certainement pas adressé le même reproche si je m’étais appelé Pablo Neruda, Nazim Hikmet ou Bertold Brecht…

- C’est peut-être une question de talent, douchka…


Je sens que certains de mes clients vont finir par s’énerver et vouloir à nouveau me déculotter et me chicoter… Et, d’ailleurs, ces connards-là ne répondent même pas aux messages que je leur adresse ! C’est vachement frustrant !

- Nous sommes à peine au tout début d’une très longue semaine de fêtes et déjà tu fais chier tout le monde, douchka ?

De plus, je viens

- Pour les dents, Paulo avait peut-être raison, douchka !

de perdre encore un chicot et j’ai maintenant un trou dans la mâchoire qui devrait me permettre

- Il faut, dès à présent, que je m’entraîne à tirer sur des havanes ou des puros (c’est quoi la différence, petite chérie ? dis-moi, toi dont les marmites de culture sont toujours prêtes à déborder…) ! Ça ne s’improvise certainement pas ! Mais je m’interroge… mes maigres allocations de misérable retraité de l’Administration publique fédérale d’un royaume de Tintin en voie de liquidation me le permettront-elles… Et puis, le cigare, ça fait plutôt bourge ou boyard, naan ? Ça pourrait porter atteinte à mon image de marque, naan ? Peut-être devrais-je alors m’acoquiner avec Mohamed Belhouari, Marc Clausse, Nicole Gérard ou Vincent Kenis (ils ont souvent rendu visite au Vieux Fidel, ces dernières années, naan ?) et leur demander s’ils ont toujours gardé des amitiés là-bas et s’ils ne peuvent pas me faire parvenir, par la valise diplomatique ou par tout autre canal démocratique se situant en dehors des circuits commerciaux classiques, des « Monte Cristo » ou « Cohiba » de La Havane « moins chers » et certifiés conformes aux idéaux de l’Internationale ou de la Tricontinentale, naan ?

de fumer deux gros cigares cubains. A la fois.

Et, loin de ma coiffeuse

- Après Cuba, le Vietnam ! Tu deviens nostalgique, douchka ! Tu n’as rien à dire sur Patrice Lumumba, André Renard et les grandes grèves de 1960 (au royaume de Tintin, j’entends bien… quand je n’étais même pas encore née, ni même conçue, ni même imaginée par Nicole et Antonio lesquels avaient certainement, à l’époque, d’autres chats à traiter ou d’autres dossiers à fouetter) et la guerre d’Algérie ? Nostalgies vaseuses ! Tu régresses, douchka ! Nous sommes au XXIe siècle ! Tu prends un sacré coup de vieux ! Tu commences à sentir l’antimite et le DDT !

vietnamienne, mes cheveux recommencent à blanchir…

- Eh wiii ! Hier, tout ira beaucoup mieux, petite chérie ! Mais comment aurais-je pu m’empêcher de devenir vieux ?

- Il t’aurait suffi de mourir jeune, ducon ! Et maintenant, c’est trop tard ! Tu aurais dû t’y prendre avant !

- Demain, petite chérie, tout allait tellement mieux…


C’est elle, en effet, ma coiffeuse de la rue Malibran, qui depuis quelques années m’offre une tasse de café…

- Sans sucre ? Sans même un nuage de lait ?

en poudre, me coupe les cheveux et me met du « yombo » sur la tignasse, une fois par mois, pour que je continue

- Oui, bien sûr, douchka, on peut toujours repeindre la carosserie…mais si les durites ne suivent pas…

à faire « jeune pour jeune », comme Appolosa.


Je crois que, peu à peu, je me déglingue.

Je décide donc

- Pas d’inputs ! Comment faire progresser mon récit ? Pas de nouvelles entrées ! Les gens ne répondent pas aux courriels que je leur écris… (et que je ne leur envoie pas) ! On ne peut pas fonctionner uniquement sur la mémoire et passer son temps à réoxygéner des souvenirs pisseux ! Je me suis, en effet, petite chérie, volontairement coupé de tout ! Aucune information ne peut plus m’atteindre, sauf tes coups de fil ou ceux des enfants… et quelques journaux de Lomé que Gougoui achète à un vendeur qui n’arrête pas de l’assaillir au Quilombo… et de rares « nouvelles du monde » qu’il capte sur RFI ! Devrais-je, à l’instar de Satan, recourir aux services d’un batteur de tam-tam paralytique que j’enverrais jouer au Carrefour ou au Tournant, à la Mandibule ou à Inzia, à la Brasserie de l’Union ou au New Pacific ?

- Mais les enfants t’ont déjà appelé, douchka ?

- Wiii ! Et à plusieurs reprises ! J’ai déjà causé avec (par ordre chronologique… et non pas ordre de naissance, quoique…) Nadine d’abord, Eric ensuite, puis Djuna et Lianja !

- Et Hortense ?

- Hortense est toujours en retard ! Elle a toujours un « truc » à faire… une amie à visiter, une histoire à entendre ou à rapporter, un matanga ou un mariage ou un retrait de deuil qu’elle ne peut absolument pas rater, une tresseuse qui doit lui placer de nouvelles mèches… Et puis elle est sûrement fauchée, elle a probablement perdu le n° du fixe de Gougoui (et celui de son portable aussi) et n’a sans doute pas de quoi s’acheter une carte téléphonique … et « après tout, se dit-elle, papa ne rentre pas avant la fin du mois de février, j’ai tout le temps de rattraper ça » ! Elle sera, comme lors de mon précédent séjour à Nassogne, la toute dernière à m’appeler… Mais j’ai aussi pu parler à Carmel, Sukina, Kako, Percy et Tensia ! J’ai également eu l’occasion d’échanger quelques mots avec des amis qui étaient présents à la maison lorsque Sukina m’a téléphoné : Marie-José Engulu, Rachel Mpanu-Mpanu et Chéri Samba…mais la communication ne passait pas bien…

- Et Maëlle, Lohile et Nyssia ?

- Trop petites… ça gazouille et ça pépie (et ça peut même crier très fort !) mais ça ne cause pas encore vraiment…

- Et toi, douchka, pourquoi tu ne nous téléphones jamais !

- Je serais trop angoissé… si personne ne décrochait… je deviendrais blême… je serais pétrifié… tout de suite, je paniquerais !

- Tu es vraiment trop chiant !

à ce jour, en date du 24 décembre 2006 d’arrêter la rédaction de mon sottisier de courriels en provenance de Nassogne…


Le 24, à six jours du 30 décembre et de l’Aïd-el-Kebir jour choisi par les Américains pour conduire

- Au nom de Père, du Fils et du Saint-Esprit ! et du Pétrole !

Saddam Hussein à l’abattoir, trente minutes avant six heures du matin, à l’aube du premier jour de la fête du sacrifice… qui est aussi la fête de la paix et de la fraternité … une demi-heure avant le moment « limite »… aucune condamné ne pouvant plus être exécuté, une fois le soleil levé, lorsque que les fidèles commémorent le geste d’Ibrahim s’apprêtant, sur ordre de Dieu, à égorger son fils Ismaël… comme un mouton…

Ce jour-là, on éclusera et on fera ripaille

- Encore une victoire du libéralisme et du monde des affaires ! Encore une avancée de la démocratie chrétienne conquérante !

à la cour du tyran, à Washington D.C. !


Egorgera-t-on des moutons à Dallas, à San Antonio… et sur les plates-formes

- ils les ligoteront et les entraveront… ils les museleront et les bâillonneront… ils leur administreront des somnifères et des antidépressifs…ils les étoufferont pendant leur sommeil en leur enfermant la tête dans des sacs en plastique … ils les dépèceront au petit couteau de cuisine et les désosseront à la lame de rasoir, petite chérie… sans laisser entendre des cris de bêtes saignées vivantes et sans répandre d’odeurs de viande grillée… sans oser mettre en marche leurs tronçonneuses, ni bouter le feu aux charbons et souffler sur les braises d’un barbecue… ils se réjouiront dans l’épouvante… ils mangeront leurs moutons furtivement, lâchement, dans l’obscurité, en tremblant… ils les mangeront sans les cuire, avec des patates crues… comme ça se passe dans le monde des serpents froids et des ogres-chemineaux patibulaires… parce qu’ils auront trop peur… et redouteront qu’une étincelle quelconque ne provoque une première explosion suivie d’un gigantesque incendie…

de forage du golfe du Mexique ?


Et dans les bagnes-forteresses et les mitards fortifiés d’Irak où les troupes étatsuniennes se planquent et

- Au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit ! Et du Pétrole !

torturent, va-t-on obliger les prisonniers sunnites à chanter, danser, sauter de joie, à s’enivrer et

- Souriez devant la caméra ! Chantez, dansez, sautez, bandez ! Faites la fête ! Soyez euphoriques !

à enculer leurs mères et leurs soeurs, à manger de la soupe au cochon et à pisser et à chier sur le portrait du raïs ?


J’ai donc décidé de stopper là mon entreprise. D’autant plus que trop d’amis et trop de connaissances

- Dans chacun de tes coups de téléphone, petite chérie, il y a une rubrique nécrologique, non ?

ont profité de mon absence pour se faire la malle. Au royaume de Tintin, au Congo, en Irak et partout ailleurs dans le monde :

Dominique Lassman le plus jeune, que je connaissais à peine mais qui ne devait pas partir si tôt…

Emmanuel Rwiyereka, notre ancien « voisin d’en face » à Kinshasa avec qui nous avons passé… et aussi avec

- Et, depuis lors, beaucoup d’entre eux sont morts aussi !

les « terrassiers » du Comité urbain : Gauthier de Villers (qui, peu à peu, avait réussi à creuser son terrier à Kisangani… avant de se faire choper et virer par les flics de la sécurité de Mobutu… pour n’avoir rien dit, rien vu, rien entendu, rien lu, rien écrit… ou avoir été « trouvé en possession d’ouvrages interdits »), Raphaël Mpanu-Mpanu Bibanda, Tabaro Tshimalamongo, Jules N’Gole Iliki, Jean-Marie Lahaye, Dieudonné Ngangura, Baudouin Djogo, Geneviève Gendebien, Tumba Mundi, Maître Lopez (le catcheur), Maître Nkubito (l’avocat), Gatarayiha Majinya, Chéri Samba, Djuna Djanana et Angel Face, Qui Saura et Sauter-Sauter, Gilles Bibeau, Emile Kabeya (le pilote), l’abbé Shieta

- L’abbé était venu en camion du Bandundu… Il s’était fait débarquer à la maison…Il aurait bien voulu que je l’aide à revendre deux gros sacs de bangui à des diplomates ou à des commerçants indiens ou pakistanais… pour « financer la cause »… mais je n’ai pas pu m’occuper de l’affaire… je n’avais pas les relations voulues !

Michèle Lefèbvre, Jean Dehasse et Kabu Mwape, Filip De Boeck, Viktor Rousseau, Olivier Le Brun, Alex Paseau, Ilunga Lupuishi (alias Lup), Elvis Mutiri, Dieudonné Ndeze, André Ducamp, Justin-Marie Bomboko, Christophe Gbenye, Mati Kalubi, Muhima et Sophie, Mabika Kalanda, Solange Vamecq, Mabi Mulumba, Kabombo Wadi, Mulumba Lukoji, Marcel de Montgolfier, Aleth Moineville, Félix Kanyama, Barthélémy Bisengimana, le général Lazare Boteti

- Lazare ne manquait jamais une occasion, évidemment, de rappeler qu’il était « beau et têtu » !

le professeur Mbulamoko Nzenge Movoambe

- C’est lui qui m’avait surnommé « Pressé-Pressé » !

Jessie Mc Corry, Paul Mandengue, Monik Dierckx, Théophile Tshimulamba, Donatien Makundika, Renaat Devisch, le colonel Michel Lonoh, Mandala Mandar et Sophie Apotha, André Nkanza Dolumingu, Hubert Tshimpumpu, Aubert Mukendi « Ntite »

- Aubert s’était donné la peine (et avait eu la longue patience…) de m’initier à la programmation informatique !

Ekala Bokoswa, Kisangani Endanda, Pierrot Soulié, Christiane Bourlon, Césarine Bolya, Jan Hintjens

- Christiane Bourlon l’avait « découvert » dans un hôtel-bar de l’avenue Kasa-Vubu, près du Pont Cabu…

Baruti Amisi, Ndam Kasongo, Lutele Nseka, Colette Braeckman, Ghislain de Rincquesen, Tshibambe Lubowa, Wendjo Okitandjeka, François Kandolo, Bongeli Yeikelo ya Ato, Benoît Verhaegen, Mwamba Bapuwa, le général Mbuza Mabe, Emongo Lomomba, Daniel Derrien, Lomami Tshibamba, Kangafu Gudembagana, Michel Willems, Ima Mukakimanuka, Romain Bula-Bula, Aben Ngay, Michel Toko, Jipéji et tant d’autres… et surtout, surtout, surtout… surtout nos habitués, nos fidèles, nos frères et sœurs de tous les jours, qu’il serait fastidieux d’énumérer tous ici, nos « engagés sur place »… les Nzeza Bilakila, Cri-Cri, Kabeya Nyonga, Françoise Lambinet, Nono Tala-Ngai (qui arrêtait sa voiture devant la grille d’entrée, grimpait l’escalier en courant et se précipitait dans notre salle de bain

- J’arrive !

avant se rendre au bureau ou d’ « honorer » un rendez-vous professionnel ou amoureux), Kankwenda Mbaya, Iyofe Isasi, Max Ngbanzo Lamangale, Salumu Yamba-Yamba, Ekambo Duassenge Ndundu (alias JC, comme Jean Cocteau, Jésus-Christ ou Jean-Chrétien), Raymond Nzanga Suke, Sombo Dibele Awanan, Safu Mbakata, Monique Fodderie…

avec qui nous avons passé tant d’après-midi, tant de soirées et tant de nuits mémorables, sur le BBS, le balcon-bistrot-salon du n° 16 de l’avenue du Comité Urbain… qui était également le siège kinois du DCC, le dépôt central des cravates…

Jean Van Lierde qui avait fraternisé avec Patrice Lumumba… et qui m’avait toujours soupçonné d’être un « contact » de la rébellion muleliste…

Valère, le vieux crocodile du Wangata… qui était la mémoire profonde (et quelquefois hargneuse et rébarbative) de toutes les ivresses belgicaines… depuis toujours…

Saddam Hussein dont le procès inique vient de se terminer par une mise à mort scandaleuse… et qui avait certainement bien des choses à se reprocher… mais certainement pas le centième de ce qu’ont fait en Irak G.W. Bush et ses malfrats…

- Devront-ils un jour ou l’autre en rendre compte ?

et dont le bilan (en matière d’infrastructures, d’accès à l’énergie, de santé publique, d’éducation, d’égalité des droits entre les femmes et les hommes, etc) était loin d’être dégueulasse… A quand le procès (suivi de la pendaison télévisée en direct, bien sûr, relayée par toutes les chaînes satellitaires, passée en boucle) de G.W. Bush et de sa bande de gangsters affairistes ?


Et des personnes malintentionnées vont sans doute dire que si tellement de connaissances et d’amis disparaissent autour de moi… c’est peut-être parce que je tue des gens pour pouvoir écrire mes bouquins… et que c’est la raison pour laquelle je passe de très longs séjours à Nassogne, chaque année… et que je dois certainement fréquenter

- Qui ça, le « vieux d’à côté », douchka ?

- Meuuunan ! Le « vieux d’à côté » élève des poules, cultive des champs, fait des enfants, pose des pièges, achète des palmiers, fabrique et vend du sodabi ! Il se contente de vivre, avec sa famille, sur des terres qui ne lui appartiennent même pas… et dont il assure la garde pour un propriétaire de Lomé ! Quelquefois il loue aussi ses services à d’autres cultivateurs (pour des travaux de sarclage, etc)… C’est un simple paysan, quoi ! Un mari de deux épouses ! Un père de famille nombreuse ! Un peu arnaqueur, sans doute, mais ce n’est pas un sorcier !

- En es-tu bien sûr, douchka ?

- Tu es une incorrigible curieuse, petite chérie ! Tu n’arrêtes pas d’essayer, par la bande, de me soutirer des bribes d’information sur mon personnage secret !

- Dis-moi au moins comment il s’appelle, douchka !

- Ses enfants le surnomment « Atayi » !

- Et ça veut dire quoi ?

- Atayi est un prénom… mais c’est peut-être aussi (il paraît que certains gosses ont quelquefois des difficultés à prononcer les « v ») une déformation de « Atavi », petit oncle !

- Et Gougoui, comment l’appelle-t-il ?

- « Grand » ou « Papa »

le sorcier du coin.


Où Vieux Didier, se doutant que tout le monde n’a peut-être pas tout compris, procède à un « passage en revue » sommaire des principaux personnages de son sottisier-roman qui n’en est pas un et


Bon, avant de fermer la baraque, je récapitule…


Dans les rôles principaux ou « transversaux » on aura eu l’occasion d’applaudir : Satangan (alias Grand FoFo) (alias Patron), Ana (alias Petite chérie… qui s’intéresse à tout et, à l’instar de Sekou Touré

- La confiance n’exclut pas le contrôle ! …

ne me laisse rien passer et ne me permet même pas

- Je sais déjà ce que tu vas raconter, douchka !

- C’est bien ce que je disais, tu me coupes tout le temps la parole !

de terminer mes phrases), Paulo Carter (célèbre « pulp-detective » engagé pour démêler une sombre intrigue médico-policière, qui se trouve être le personnage et l’auteur préféré de Paul Van Ackere… et qui, dans sa jeunesse, a travaillé comme vestiairiste au Zoeloe Bar, à Leuven), le Dieu Sodabi (unaniment vénéré sauf par les « grands » qui lui préfèrent la bière et les alcools expatriés, surtout le martini, le gin, le rhum et

- Et le pastis ?

- Très rarement !

le whisky), Gougoui (mon beau-père et mon complice… et dont je suis le griot, le chroniqueur et l’écrivain public), Kangni Alem…


Et ne voilà-t-il pas que Kangni Alem en personne, très énervé, ayant pris son avion dans la précipitation et n’ayant emporté avec lui, pour tout bagage, qu’un sac de sport contenant, apparemment, deux ou trois raquettes de tennis et

- On m’a bippé ?

un cellulaire suspendu à son cou par une chaînette… atterrit à l’aéroport de Lomé et

- J’ai une affaire urgente à régler à Badja… On se retrouve ce soir aux Brochettes de la Capitale, ça va ? Si vous connaissez le numéro de téléphone de Denis Afantowou, appelez-le moi, j’ai une affaire à lui proposer !

salue rapidement Gaëtan Noussouglo et Crédo Tetteh venus l’accueillir et

se précipite vers l’écurie-parking où il avait garé son cheval (confié à la bonne garde d’un vétérinaire de l’Administration et d’un bagagiste faisant également fonction de pâtre), entre un âne de Dapaong et un dromadaire de Mopti ou de Bamako, avant de partir en mission à Bruxelles (et de s’y faire enfumer par Alain Brezault, Ana Lanzas, Filip De Boeck et Jipéji) et

grimpe sur sa monture et

fixe solidement son sac de sport (les « crosses » qui dépassent, sont-ce des manches de raquettes ou de clubs de golf ?) à une sangle attachée à la selle et

galope, galope, galope, galope, saute par-dessus la barrière du poste de péage de Sanguera, galope, galope, galope, galope, galope jusqu’à Badja et galope et galope et bifurque en direction de Nassogne et galope et galope et

klaxonne avec insistance devant le portail d’entrée et descend de son cheval et remet les clefs de contact à Kluvi, la gardien, et lui pose une question (et

- On m’a appelé ? On a cité mon nom ?

lui ordonne de parquer l’animal du côté de la pelouse, à l’ombre, au pied d’un arbre, et de lui apporter tout de suite à boire) et n’écoute pas la réponse et gravit en courant les marches de l’escalier d’honneur de la résidence des seigneurs de l’endroit et croise Adjara et

- Je ne te connais pas… Tu es nouvelle ici ? Tu as un mobile ? Togocel ou Moov ? Quel est ton numéro ? A quelle heure termines-tu ton service ?

lui pose une question et

- Mais, dis-moi, il paraît qu’on parle de moi à Nassogne… On me cherche ? On a besoin de moi ?

n’attend pas la réponse et traverse rapidement la terrasse et la salle à manger… et fait irruption dans le grand couloir des toilettes principales et alpague Vieux Didier à la sortie des WC littéraires de Nassogne et

- Aaah, te voilà, bandecon ! J’ai deux mots à te dire !

- Wiii ? j’ai trop tardé ? Tu es très pressé ? Je t’ai fait attendre ? Tu as une urgence ? Bonjour quand même !

l’agrippe et l’empoigne et le bouscule et le menace.

- Arrête de faire l’imbécile ! Je suis au courant de tout ! J’ai des informateurs partout ! On m’a dit que tu cherches à me ridiculiser… et que non seulement tu n’arrêtes pas de me faire jouer des rôles idiots : le référendaire, le rôdeur du couloir des toilettes, le confident de tes turpitudes… mais que tu m’aurais même rebaptisé… et que tu te serais permis de m’affubler de noms stupides : « Kangnem » ou « Cave Canem » ? Est-ce bien vrai ?

- C’était pour rire, Kangni ! C’était une blague…

- On ne rit pas avec le nom des gens ! Je vais te mordiller les oreilles, te picorer les yeux et te becqueter les tubercules ! Et c’est le « référendaire » qui te parle, Vieux Didier : ton compte est bon ! Tu vas le sentir passer !

- Kudjo, au secours !


Kangni Alem ouvre son sac de voyage … en sort le masque d’Adjibossou et s’en revêt et

- Kudjooo ! Au secours ! Au secours ! Au secours !

brandit un trident (une fourche pliante évidemment, sinon on n’aurait jamais pu la faire entrer dans le sac de sport !) et une cravache en cuir tressé et poursuit Vieux Didier jusque sur la terrasse et dans le jardin, au pied d’une sculpture d’Assou Kossi représentant un moine apostat rôti en enfer, et

- Héhéhé, fini de rire, Vieux Didier ! Kudjo a terminé son boulot… je l’ai vu sur la route en venant… Il est sûrement déjà rentré chez lui, à Badja…Il ne peut plus t’entendre…

- Pardon, Grand Kangni ! Pardon !

- Si tu as tellement peur de recevoir le châtiment que tu mérites, Vieux Didier, pourquoi ne fais-tu pas intervenir Paulo Carter ? Pourquoi ne l’appelles-tu pas à la rescousse… lui qui te tirait toujours d’affaire au Zoeloe Bar ? Ça ne me déplairait pas de me mesurer à lui… et de vous rosser copieusement tous les deux !

- Paulo Carter m’a laissé tomber, Grand Kangni ! Il ne me prend plus au sérieux… et ne veut plus me secourir ! Il m’a fui…

- Te voilà donc entièrement à ma merci !

lui broie le palmier et lui moud le cocotier et lui râpe l’igname et lui piétine l’avocat et lui écrase la mangue et lui concasse la papaye...


Vieux Didier se met alors à genoux et se jette aux pieds de Grand Kangni et lui baise les mains et lui embrasse les pieds et…

- Pardon, Adjibossou ! Pardon ! Soyez indulgent ! Si j’ai pu vous choquer ou vous offenser, il faut que vous m’en excusiez Grand Kangni, c’était sous le coup de l’émotion ! Pardon, Alemgan ! Pardon, Ingnak ! Pardon, Mela ! Pardoooon !

implore sa clémence et Kangni, grand seigneur, accepte finalement de se montrer magnanime et

- Bon, arrêtons là… et parlons du contrat que je voudrais que tu passes avec Denis Afantowou...

reçoit, en ce moment précis

- Vous êtes aux Brochettes ? Vous avez pu contacter Denis ? Il est déjà là ? Parfait ! J’arriverai dans moins d’une heure ! Avec un Matchanga qui a des comptes à rendre à tout le monde ! Attendez-nous !

un appel téléphonique de Gaëtan ou de Crédo sur son cellulaire.


Et Kangni Alem de remonter sur son cheval et de prendre Vieux Didier en croupe… et de marmonner en aparté mais

- J’espère bien que ce connard ne va pas attraper le mal de mer, s’oublier dans son pantalon, me dégueuler dans le dos et salir mon costume… Ce garçon-là manque vraiment de manières !

le canasson, ayant des oreilles très pointues, entend tout et

- Qui va me bouchonner ?

s’inquiète pour sa belle robe, brun rougeâtre


Vieux Didier (alias Douchka, votre dévoué serviteur, ancien portier du Zoeloe Bar… et qui se fait, à nouveau

- Ça ne m’étonne pas, douchka, tu es vraiment trop chiant !

sérieusement chicoter), Max Ngbanzo Lamangale (injustement soupçonné d’avoir

- En voilà encore un de tes amis, douchka, qui se prépare à te donner une sacrée raclée ! Il risque d’y avoir un sacré comité d’accueil à ton retour !

chamboulé, marabouté ou botulé les « affaires intérieures » de Vieux Didier avec un poulet gothique et putrescent, planqué au fond du frigo de la cuisine d’Ana, au n° 21 de la rue Maes, depuis au moins neuf jours), Jipéji (qui ne supporterait pas de ne pas être dans ou

- C’est comment qu’on dit ça déjà, Jean-Pierre, en bon français ? Dans ou sur ?

sur tous les coups, hihihi) et le vieux d’à côté (mon personnage secret… dont Ana cherche à arracher le masque et

- Peut-être élève-t-il des moutons à cinq pattes et des cochons à deux têtes ? Peut-être a-t-il des yeux derrière la tête, jete-t-il des sorts et mange-t-il des gens la nuit ? Peut-être sa deuxième femme a-t-elle trois seins ? Peut-être transforme-t-elle les bâtons en serpents et les troncs d’arbre en crocodiles ?

à enlever les couches-culottes)…


Dans les rôles secondaires (ou moins « récurrents » ou plus épisodiques), se seront mis particulièrement en évidence : le Paralytique et le cheval de Satan, Henri Jouant (l’homme aux multiples visages : le compagnon de lutte, le collectionneur de jouets anciens, le fonctionnaire de la Régie des Bâtiments et le supporter du Standard de Liège), le prince Laurent, Kossi (alias « Petit tabouret »), Paul Van Ackere (le grand pote à Paulo Carter… à qui, cependant, Popol s’inquiète un peu de devoir prêter son costume, même pour un week-end), Madame Pipi (la vraie, la numéro 1, celle des WC littéraires de Nassogne, celle qui chausse des djimakplas… à ne pas confondre avec Madame Pipi numéro 2, celle de l’Ultime Atome, qui fait une brève incursion dans le courriel n°12 et chausse des pantoufles), Nestor (le fidèle serviteur du Dieu Sodabi), Tikhon Tikhonovitch (le conscrit aux cheveux blonds et aux yeux bleus qui était tombé amoureux d’une jeune fille sur la plage de Beit Layiah en Palestine), Daniel Simon (que je rencontrerai sans doute, un jour ou l’autre, mais où ?), Daria Sebastianovna (dont les yeux avaient des reflets de malachite… et qui a l’art de rapetisser les grands problèmes), Yao (le cuisinier allemand, spécialiste des pizzas et grand protecteur d’un iroko, d’un baobab ou d’un kapokier), Alain Germoz (mon grand frère… qui m’a soutenu depuis toujours et qui, je l’espère bien, me soutiendra encore longtemps), Ssangyong, Nadine Plateau (qui n’a toujours pas

- Je ne vois pas trop où tu veux m’emmener mais je ne veux pas y aller !

répondu à ma question précise sur les vitesses respectives de cuisson du lièvre bleu de Somalie et de la tortue verte du Nicaragua), Hébiésso (le Dieu de la foudre), Joëlle Baumerder (ma petite sœur), Adjibossou (qui me poursuit dans les couloirs et l’escalier), Laurent d’Ursel (le conspirateur et le factieux), Kudjo (l’homme fort… mais qui n’est pas toujours là lorsque j’ai besoin de lui… et me laisse à la merci d’Adjibossou lorsque celui-ci me poursuit dans les couloirs et l’escalier), Nicole Legrand, Michel Dehoux, Alain Brezault, Sami Tchak, Achille Ngoye, Denis Afantowou (le synopsiste-malgré-lui), Jean-Emile et Viviane Caudron (qui s’apitoyent), le pasteur

- Au nom de Jésus !

et tant d’autres…


Et voilà, c’est fini !

Couic !


Où Vieux Didier se pète enfin la gueule au sodabi et, devant achever de purger la longue peine d’arrêts de rigueur qu’il s’est octroyée, découvre le savoir-faire policier fétichiste et se fixe un programme d’action pour les mois à venir


Il lui reste encore deux mois…

Plus que deux mois…

A quoi donc Vieux Didier, « misérable retraité de l’Administration publique fédérale d’un royaume de Tintin en voie de liquidation », va-t-il bien pouvoir les occuper, ces deux derniers mois d’arrêt de rigueur au Togo ? Après un premier mois de pompage de la nappe phréatique du gite rural de Nassogne, va-t-il enfin, à la demande d’Ana

- Dis-moi, douchka, qu’est-ce que tu comptes faire maintenant ? Qu’attends-tu pour bouger ? Il serait temps que tu te promènes un peu, que tu fasses autre chose ! Je t’écoute…

se faire voir ailleurs… et s’y péter joyeusement la gueule au deha, au tchoukoutou ou au sodabi ?

- Eh bien, je ne sais pas… je pourrais peut-être aller à Lomé… découvrir le bar « congolo-zaïrois », au bord de la nationale, après Sanguera, à cent mètres de la route qui mène au marché d’Adidogomé, par exemple… Puis effectuer une virée au Quilombo… Puis aux Brochettes de la Capitale, au 54 et au Sunset, petite chérie…Serrer la pince au paralytique et aux musiciens de son groupe… Les inviter à s’asseoir à ma table et leur offrir à boire, échanger des informations…

- A boire, dis-tu, douchka ? De l’eau, j’espère !

- Naan !

- Mettons, mettons… pour une fois… parce que tu te trouves à Lomé et que tu es avec des potes… Mais quoi d’autre encore, douchka ? Ce n’est pas suffisant ! Mets-moi donc au point un très chouette programme et j’accepterai volontiers de prendre l’avion et de te rejoindre au Togo… Sinon tu peux toujours continuer à draguer les chèvres et les canards de Nassogne ou à te masturber dans une capote !

- Que pourrais-je faire encore ? Pisser sur le tronc de l’iroko, du baobab ou du kapokier de Yao, petite chérie ? Ça t’irait ?

- Jamais, douchka ! Et cesse de tenir des propos perfides sur quelqu’un qui, après tout, ne t’a jamais rien fait !

- Me joindre à un convoi organisé par un hôtel ou une agence touristique… et prendre des photos du convoi… de 4x4 de Yovos friqués et croulants accompagnés de domestiques… et prendre des photos des « boys » ou des « bonnes »… ayant en charge la préparation des repas ou des pique-niques… et prendre des photos des joyeux convives avinés et gavés de sandwiches au fromage français et à la charcuterie allemande ? Et rendre visite, toujours en convoi, aux forgerons de Nangbani ou de Bandjeli… et prendre des photos des forgerons et de leurs femmes et de leurs enfants et de leurs fours ? Et visiter, avec cette bande de Yovos-là, Koutammakou et la vallée des Tamberma, le pays des Batammariba et des célèbres « tatas », toujours habités… et prendre des photos des châteaux et leurs tourelles et de leurs terrasses et de leurs greniers… et des occupants et de leurs takientas et de leurs chambres à coucher et de leurs autels… et de leurs chiottes aussi peut-être ? Et « entrer en contact avec la population locale » et distribuer chichement quelques pièces de monnaie et, parfois, un billet de mille francs CFA, aux gendarmes et aux agents (mais en se retenant de prendre des photos !) de la douane, de l’agriculture, de l’hygiène, des eaux et forêts, du tourisme et de l’immigration ? Et échanger aussi quelques mots avec les vendeurs des stations d’essence (ça va, jeune homme ? ça va bien, vieille femme !), les vendeurs de journaux, les revendeuses de botocoins (merci, jeune fille ! pas de quoi, vieil homme !) les réceptionnistes et les gardiens des hôtels et les « démarcheurs » de femmes efflanquées et maigrichonnes, celles que les Yovos, hétéros ou lesbiennes, préfèrent … et prendre des photos des vendeurs d’essence de journaux, des revendeuses de botocoins, des démarcheurs… et des femmes décharnées et kwashiorkorées dans lesquelles les mâles du convoi se sont vidés les couilles pileuses ?

- Naboyi na ngai ! Je refuse !

- Me faire initier et entrer dans un « couvent »… dans le couvent de mon choix… ou qui voudrait bien de moi…

- De ton choix, douchka ?

- Ben wiii ! On est initié pour tel ou tel couvent, petite chérie, pas pour « tous les couvents » ! On y est accepté par le vaudou d’un couvent et on en respecte les interdits particuliers…Un adepte d’un couvent n’est, en principe, pas admis à participer aux cérémonies d’un autre couvent ! Il peut se faire, évidemment, que plusieurs couvents adorent un même « grand » vaudou mais ils l’adorent alors différemment…

- C’est comme une loge maçonnique, quoi ?

- Si tu veux, petite chérie ! Dans une certaine mesure…

- Entre donc dans un « couvent », douchka ! Vas-y ! Ça fera plaisir à Anne-Louise… Et à Nicole aussi !

- Laquelle, petite chérie ? Nicole Laget, Nicole Legrand, Nicole Gérard ? Ou encore la Nicole de Pablo qui habite à Toronto et dont on n’a plus de nouvelles depuis au moins deux ans ?

- Toutes ! Elles seront toutes contentes… Mais pourquoi, avant de chercher à te faire initier, ne questionnerais-tu pas d’abord un féticheur, douchka ? Même un simple Yovo peut consulter un féticheur, non ?

- Ben wiii !

- Et il ne faut pas être « initié » pour ça ?

- Ben naan !

- Qu’un féticheur te prenne donc « en consultation » et qu’il t’aide à trouver une solution à ton problème… et que tu sois complètement guéri au moment où je m’amène… Il doit bien y avoir des féticheurs-psys dans la préfecture de l’Avé… à Kévé ou à Assanhoun, non ?

- Certainement pas ! Dans la préfecture de l’Avé, les gens ont tous leurs esprits (sauf quand ils abusent du sodabi, évidemment)… De toute façon, tu ne dois pas t’imaginer que ce qui m’arrive, c’est « dans la tête » que ça se passe ! J’ai mal au bide, petite chérie, pas dans la caboche !

- Mettons, mettons, si ça peut te faire plaisir…Dans ton cas, un simple généraliste devrait alors suffire… Tu lui amènes un beau coq et une bonne bouteille, et hop, ton problème est résolu ! Pesé, embalé, payé, emporté ! Dérékitima !


Vieux Didier, les yeux rouges, tremblant de fièvre, dément et délirant, hagard et halluciné, marche de long en large … et parle tout seul, une clope éteinte au bout des doigts … et donne l’impression de s’entretenir à voix basse… avec quelqu’un… que personne ne voit…

- Un peu rapide, ça, petite chérie, un peu rapide… Il faudrait d’abord que je sache ce qui convient dans le cas d’espèce (comme le dirait encore « Le Juge »… pour signer et nuancer ses propos)… Quel genre de coq dois-je remettre au féticheur, un coq tout blanc ou un coq avec de belles plumes rouges ? Et de quelle boisson dois-je me munir, une bouteille de sodabi et une bouteille de boisson sucrée ? Ou peut-être aussi une bouteille de schnaps… au cas où le problème à résoudre s’avérerait être beaucoup plus complexe qu’il n’y paraissait à première vue… …

- Renseigne-toi donc, douchka ! Demande à Kluvi…à Laurent…à Kossi…

- Ça peut se faire, ça peut se faire…On m’a déjà parlé d’un féticheur dans le coin… un agriculteur, féticheur à mi-temps, charlatan renommé… qui est souvent très saoul… dès le petit matin…

- C’est un critère de performance ?

- Ben wiii, je suppose ! Ça veut dire que ce féticheur-là reçoit beaucoup de patients… et que beaucoup de verres circulent… et que les divinités reçoivent chaque fois leur part… et qu’elles deviennent alors de plus en plus pompettes… et conciliantes…

- Et qui c’est ton féticheur, douchka, le « vieux d’à côté » ?

- Meuuunan, petite chérie ! Le « vieux d’à côté » n’est pas un sorcier, je te l’ai déjà dit… Et il n’est pas non plus un féticheur ! Tout au plus fabrique-t-il du sodabi (pour lui-même… et aussi pour revendre à ses clients, ceux du gîte ou d’ailleurs: les Nestor, les Fo Bomboma, les Salifou, etc) et bricole-t-il aussi quelques gris-gris à usage strictement domestique (et les fabrique-t-il en chantant toute la nuit)… pour protéger ses champs de maïs… comme toute le monde… ça ne va pas plus loin…

- Et c’est quoi alors un « vrai » féticheur ?


Vieux Didier, ne se promène pas encore à poil dans les couloirs du gîte… Mais ça pourrait bien venir… Ahuri et haillonneux, Vieux Didier, la bave aux lèvres, pris par un tourment, répond avec fébrilité à des questions que personne, apparemment, ne lui pose …

- Un vrai féticheur doit avoir un don ! Il doit être capable, par exemple, de tuer un coq devant tout le monde sans utiliser de couteau ! Simplement par le force de ses gestes et la puissance de ses incantations !

- Ouais, je vois ça très bien… en lui fourrant la tête sous l’aile et en provoquant ainsi une espèce de catalepsie, non ? Même que… s’il le voulait, il pourrait ensuite « ressusciter » le mort… c’est bien ça, non ?

- Ressusciter le coq ? Pas évident, petite chérie, il vaut mieux ne pas s’y risquer… Car si le coq refuse de mourir et s’il est encore (ou à nouveau) vivant, ça veut dire que les divinités n’acceptent pas l’offrande qui leur a été faite ! Problème donc !

- Pas de problème sans solution, douchka !

- Wiii, mais il faut, alors, boire encore plusieurs rasades de sodabi … et ne pas jamais oublier de verser quelques gouttes de boisson sur le sol pour apaiser les divinités… et recommencer le sacrifice… et si ça ne marche toujours pas ou si l’affaire se complique, il faut reboire encore… procéder à d’autres offrandes, plus importantes, changer de bête…

- Un mouton ou une chèvre alors, douchka ?


Vieux Didier, très nerveux et très agité, va et vient à grands pas, fumant cigarette sur cigarette… Souffre-t-il de solitude ? Des mauvais démons l’ont-ils retrouvé et lui ont-ils rendu visite ? Ont-ils pénétré à l’intérieur de son corps et envahi son cerveau ? Est-ce la raison pour laquelle il fume ? On dit que les esprits n’aiment pas la fumée des cigarettes…

- Non, ça, ce serait plutôt après… pour remercier… Un bouc et une bouteille de sodabi…Bon, de toute manière, je suis décidé à suivre ton conseil ! Dès lors que Paulo Carter s’est montré défaillant et qu’il n’a pas réussi à faire aboutir son enquête et qu’il a fait preuve d’une légèreté coupable et qu’il s’est même permis de me couvrir de ridicule… je décide d’abandonner la « science policière révélée » et de recourir au « savoir-faire policier fétichiste » ! Je vais donc demander au « vieux d’à côté » de me procurer un coq et une bouteille de sodabi (je vais même en prendre une deuxième et « en cas de qu’est-ce qu’il y a », j’aurai alors ce qu’il faut sous la main… et on pourra toujours l’utiliser) ! Et dès demain, très tôt, vers six heures, j’irai voir l’homme dont on m’a déjà parlé et je lui demanderai de faire convoquer tous les différents suspects possibles (je lui fournirai toute les indications voulues) et d’identifier le seul vrai coupable de tous les maux qui m’accablent… …

- Tous les suspects possibles ?

- Tous, petite chérie ! On n’oubliera personne ! Le foufoui de manioc, la sauce aux aubergines et aux poivrons et aux gombos (avec du petit poisson fumé comme à Lomé ou du petit poisson séché et salé comme dans les villages des environs, je ne sais plus), la soupe au gingembre, le piment, le vin de palme, les cigarettes et le café, l’ulcère gastro-duodénal, le botulisme, l’empoisonnement au « poulet de Max », l’appendicite, le problème de prostate, la colique néphritique, la colique hépatique, l’accès de paludisme, l’opilation, l’oblitération, l’occlusion et l’obstruction intestinale, l’ileus, les crampes d’estomac, l’effet indésirable d’un ancienne médication, le cancer des intestins, l’inflammation des gencives, le dysfonctionnement du pancréas, la rage de dents, le sortilège, la malédiction, l’harmattan, l’affection du trou de balle et la crise de fou-rire… ils seront tous convoqués ! Tous !

- Et la constipation aussi ?

- La constipation aussi ! Et celui qui ne répondra pas à la convocation sera automatiquement considéré comme coupable !


Vieux Didier, hirsute et débraillé, va et vient… et « claque des dents » comme un sorcier… et se couche et se relève… et se couche et se relève… et se couche et se relève… dans la chambre n° 4 qu’il n’a pas quittée depuis la veille… Vieux Didier ne s’est plus lavé depuis hier ou avant-hier, ni rasé, ni peigné les cheveux, ni brossé les chicots… Vieux Didier a dormi tout habillé et n’a même pas changé de caleçon… Chantal et Adjara le soupçonnent même de pisser par la fenêtre ou dans une bouteille en plastique…

- Mais, dis-moi, douchka, c’est hier ou avant-hier que tu es allé consulter le féticheur, non ? Et comment ça s’est passé ? A-t-il obligé tout le monde à plonger la main dans une casserole d’huile bouillante ?

- Wiii, on aurait pu opérer de la sorte, petite chérie… On prétend qu’il n’y a que le coupable qui se brûle… mais j’ai préféré demander au féticheur d’agir autrement… parce que j’avais entendu dire que la méthode de l’huile bouillante n’était pas toujours infaillible… et que les vrais soûlards ne se brûlaient jamais, même s’ils étaient fautifs !

- Et comment le féticheur a-t-il fait alors, douchka ? Quel procédé a-t-il utilisé ?

- Il a commencé par invoquer Grand Dieu (qui, d’après lui, serait quand même « le plus fort »), puis les vaudous. Ensuite, après de multiples incantations et avoir avalé et fait passer de main en main un certain nombre de petits verres de sodabi et versé des gouttes sur le sol pour les divinités, il a fait tourner, tourner, tourner de l’eau dans une bassine… une très grand bassine, nous étions nombreux… où nageait un morceau de charbon de bois… et lorsque l’eau a cessé de tourner… le morceau de charbon… a fini par… s’arrêter… devant, devant… devant le véritable responsable de tous mes maux ! Et voilà !

- « Nous » étions nombreux, dis-tu… tu étais là aussi ?

- Le féticheur avait demandé que je me joigne au groupe…

- Et qui donc était le coupable ?

- L’eau a tourné, tourné, tourné et finalement le morceau de charbon de bois s’est arrêté… devant moi !

- C’est bien ce que je pensais, douchka, ton problème est d’ordre psycho-somatique ! Ton féticheur est un grand féticheur et les divinités auxquelles il se réfère sont vraiment compétentes ! Ils ont enfin trouvé le vrai coupable de ton mal étrange ! Tu dois leur offrir une grande bouteille de sodabi (de deux litres au minimum) et un gros bélier pour les remercier (un très gros bélier de quatre-vingt kilos, du genre de ceux qu’on trouve à la ferme Ayodele, chez Sanvee, avec de très belles cornes) ! Et après… après, il ne te reste plus qu’à te faire interner… C’est ce que j’ai toujours pensé !


Moralité ? Aucune !


Ça va… Ça va mieux déjà… C’est bien sûr que ça va mieux… Trop, trop et trop de petits verres ont circulé… Mais ça va mieux…


La cuite est maintenant sous contrôle. L’accès d’éthylisme est, à présent, maîtrisé.

On renoue les fils de l’histoire, on redescend sur terre, on chasse les esprits malfaisants, on cesse de parler tout seul, on se frotte les dents, on se douche, on se coiffe, on se change, on s’habille, on sort de sa chambre, on reprend la vie normale…


Bon !

A quoi donc, disais-je, vais-je m’occuper durant les deux mois qu’il me reste à passer au Togo avant de retourner à Ixelles-Matonge ?


C’était bien ça, petite chérie, la question que je me posais avant que tu ne m’envoies consulter un sacré féticheur et boire du sacré sodabi à la santé de sacrées divinités, sacrément rusées, qui faisaient sacrément semblant d’être sacrément mécontentes des sacrées offrandes que je n’arrêtais pas de leur faire et qui réclamaient encore

- C’est compliqué !

et encore et encore

- C’est très compliqué !

et encore et encore et encore

- C’est vraiment très compliqué, ce problème-là !

et encore et encore et encore et encore

- Les problèmes des Yovos, ce n’est jamais simple !

et encore et encore et encore et encore et encore

- Les problèmes des Yovos mofos, c’est toujours très compliqué !

et toujours et continuellement… d’être apaisées… ce qui nous a mis, le féticheur, les divinités et moi-même dans un sacré état… tous copains, tous complices, tous beurrés, blindés, bourrés, chargés, cuités, givrés, poivrés à mort…

- Un yofo mofo, c’est quoi encore, douchka ? Rappelle-moi…

- Un blanc tocard, petite chérie…Un gros naïf, quoi ! A la limite de la connerie !

- C’est bien ce que je pensais, douchka ! Remets-toi donc à l’eau !


A quoi vais-je m’occuper ?

Eh bien, comme prévu depuis toujours… dès avant mon départ de Belgique… je vais parachever différentes compils de dépêches (déchaussées, divagantes et yoyotantes) de mon agence de presse privée AnaCo… l’agence constituant, depuis un an au moins, un potager, un clapier ou un verger de textes d’où je sors mes lapins et mes légumes et mes fruits de saison, quand

- Le temps n’est-il pas venu, à présent, d’arracher les betteraves, les rutabages, les topinambours et les pommes de terre, de moissonner le seigle et les vieux blés, de déterrer les pissenlits qui envahissent les cimetières… et de déraciner les orties et les chardons, d’ouvrir un dossier « jeunes pousses ou vieux rebuts », de séparer (au nom de Jésus ! comme dirait le pasteur d’Adidogomé) le bon grain de l’ivraie… et de dessoucher et de retourner à nouveau le sol, d’allumer un grand feu de brousse purificateur… et de planter enfin de nouvelles cultures : des ignames, du manioc, des patates douces, des arachides, du piment, du gingembre, des cochons de lait rôtis au four, des bloms, des agoutis, des perdrix sauvages flambées au sodabi, des amadans et des gombos ?

ils sont parvenus à maturité et que l’envie me prend de les niquer


La première de ces compils s’intitulera « La vie au taux du jour». Il s’agira d’un recueil de dépêches (littérature « immédiate », sketches interactifs, croquis à la carte ou dazibaos bringues-zingues-dingues, que sais-je…) dont certaines ont déjà été placardées sur internet ou spammées sur Outlook… dans lesquelles je m’autorise à exercer, en toute liberté, mon droit de citoyen de me mêler de n’importe quoi… et surtout d’ « affaires » dont on m’a bien fait comprendre que je n’y connaissais rien et qu’elles ne me concernaient pas du tout… et que j’avais plutôt intérêt à fermer ma grande gueule.


La deuxième compil s’intitulera « Vieux Didier s’intronise président-fondateur de la branche congolaise de la famille ». Il s’agira d’un recueil de non-dits, de cartes postales électroniques, de clichés de famille et de « cartons de château » résolument nunuches… dans lesquels, avant sa crevaison, Vieux Didier raconte à sa façon, en se donnant le beau rôle comme d’habitude, la vie dure

- Eprouvante et chiante, douchka, je ne te le fais pas dire !

- Sinistre et glauque également, petite chérie ?

- Non peut-être !

qu’il a menée à Motema Magique et s’applique à faire des mignardises et des chatouilles à presque tout le monde parce que (le contraire aurait été trop risqué) « on ne peut quand même pas dire du mal des pendards de sa propre bande »…


J’espère bien terminer ces deux compils-là avant le 28 février 2007.

Et, dès mon retour au royaume de Tintin, je les diffuserai à tous mes correspondants…. de même que mon « sottisier».

Et Jipéji de rogner

- C’est ça ! Encore plein de trucs à lire ! On va encore se faire chier ! Les boîtes de réception vont encore être submergées ! On finira par se cotiser pour te renvoyer là-bas… comme on s’était cotisés pour acheter le cochon de Monik Dierckx !

et de rognonner et de grognonner… alors qu’il ne possède même pas d’ordinateur.


J’espère aussi pouvoir les reproduire…


Avec le soutien de la « Communauté française

- Combien de membres ? aurait demandé le Président François Mitterrand au Président Hervé Hasquin… A quelles conditions doit-on satisfaire pour pouvoir être admis au sein de votre confrérie ?

- C’est même pas vrai, Mitterrand n’a jamais dit ça, !

- Ben quoi, on a les légendes qu’on mérite, non ?

de Belgique »… à laquelle, juste avant de prendre l’avion pour Lomé, j’ai poliment, docilement, humblement, respectueusement, dans un esprit de sincère subordination et avec l’expression de ma plus profonde compromission très distinguée, adressé, par voie postale ordinaire (sans me faire « recommander », parce que ça coûte plus cher et que ça ne va pas plus vite pour autant), dans toutes les formes requises, une demande de bourse littéraire…

- Mais enfin, Vieux Didier, c’est pour les jeunes, ça ! Tu n’as aucune chance ! Tu n’as plus l’âge !

- M’enfin toi-même, quoi ! Je n’ai sorti « Le cul de ma femme mariée » qu’en 1998, quoi ! Je peux toujours faire valoir que ma nouvelle carrière d’écrivain, après les « évènements de Kinshasa », n’a même pas dix ans d’existence, quoi !

- Quels « évènements de Kinshasa », Vieux Didier ?

- L’abattage, le dépeçage et le brûlage de tous mes vieux manuscrits, quoi !

- Absolument tous ?

- Ben wiii, quoi ! Sauf « Jef » et « Jodi », quoi !

- Et qui les a brûlés ?

- Je les ai brûlés moi-même, quoi ! Au n°16 de l’avenue du Comité urbain, dans le jardin, quoi ! Deux valises pleines, quoi ! Juste devant la maison, quoi !

- Et Ana t’a laissé faire ?

- Ana a brûlé les siens aussi, quoi !

- Les siens ?

- Ses propres manuscrits, quoi !

- Et c’était triste ?

- C’était gai, quoi ! C’était drôle… et carrément libératoire, quoi ! On pleurait presque (à cause de la fumée), quoi ! Ça faisait un très beau feu, quoi ! Avec plein de couleurs, quoi ! Du noir, du jaune et du rouge, quoi ! Il y avait même un lézard Agama qui dansait au milieu des flammes, quoi ! Un « Mutu rouge », quoi !

- Ça s’est passé quand ça, disais-tu ? Il y a plus de vingt ans ?

- En 1986, quoi ! Ou l’année avant ou l’année après, je ne sais plus exactement, quoi !

- Quel mois de l’année ?

- En juillet, quoi ! Ça, par contre, je m’en souviens bien, quoi !

- Quel jour du mois ?

- Pas le 14, mais le 21, quoi ! Le jour de la fête nationale au royaume de Tintin, quoi !

- Et à quelle heure de la journée s’est jouée cette « comédie » ?

- Entre 13 et 15 heures, quoi ! Juste après le défilé des autos blindées et des chars d’assaut, des camions-poubelles de Bruxelles-Propreté, des camions « Blocau » préposés à la vidange des fosses septiques et au transport des matières fécales, des camions-cachots « Sans-Payer », des autopompes de la police fédérale, des corbillards en bois tirés par des chevaux cachectiques, des charrettes de marchandes de quatre saisons et des carrioles de vendeuses de caricoles, des ambulances dermatologiques et des camions-citernes de soupe populaire suivis d’une très longue file de sans-abri, harassés, que des humanitaires invitaient (mais il ne fallait quand même pas exagérer, quoi !… et en profiter pour se faire soigner une pneumonie, une tuberculose et un sida, quoi !… ou réclamer un sachet de frites-mayo avec du cervelas, quoi !) à exhiber leurs « maladies de la peau » (des plaies, des abcès, de l’eczéma, des allergies, des parasitoses, de la gale, des puces et des poux, quoi !) et à tendre leurs gamelles, quoi !… Suivis des fantassins : les vendeurs ambulants de crème à la glace (qui tapaient sur leur boîte pour ameuter les clients, quoi !), les porteurs de banderoles et de calicots habillés de rouge (surtout, quoi !) et de vert manifestant contre le braquage de l’emploi des ouvriers de VW Forest (et même des élèves du secondaire avec des panneaux écrits à la main sur des morceaux de carton sommairement découpés au cutter : « nous sommes tous des enfants d’ouvriers », quoi !), les conducteurs de la STIB (bus, trams et métros, quoi !) en grève et qui se demandaient comment ils allaient allaient faire pour rentrer à la maison, les anciens de l’athénée royal de Rösrath (dont les élèves devaient apprendre à ramper dans la boue et à marcher au pas, quoi !) et du collège Notre-Dame de Mbanza-Mboma, les rattachistes de la Belgique au Congo (venant de la place Loix et se dirigeant vers le quartier Matonge, quoi !… et se permettant un « petit crochet» en dehors du trajet autorisé par la police fédérale pour déposer, à l’instar du général Janssens, quoi !… une couronne au pied de la statue de Léopold Deux, quoi !), les péripatéticiennes de la rue des Commerçants ou de la rue Van Gaver pourchassées par des flics en rollers, quoi !… Suivis des groupes folkloriques : un procession de la saint Verhaegen (les icônes, les reliques, les bannières saintes, les corbillards transportant des fûts et des dames-jeannes, quoi !… et la bière et le sodabi et le lotoko qui coulaient à flot, quoi !), une caravane de bourricots chargés d’amphores remplies de parfums rares (guidée par des rois mages accompagnés de centaines de porteurs et de domestiques, quoi !), un cirque en faillite (faute d’avoir obtenu les subventions auxquelles il prétendait avoir droit dans le cadre de la politique pastorale commune, quoi !) et toute sa ménagerie décharnée, une cavalcade de cow-boys goudronnés et emplumés qui venaient de se faire chasser d’Irak ou d’Afghanistan par les Amazones du royaume d’Abomey (armées de fusils et de sabres, quoi !… de longues carabines et de poignards à large lame recourbée, quoi !… de courts tromblons à silex et d’arcs aux flèches empoisonnées, quoi !), les groupes d’animation des différentes sous-régions et des principales zones de la ville de Kinshasa, une course de garçons de café portant sur leur plateau des crachoirs remplis à ras bord de mollards tuberculeux et des pots de chambre débordant de pisse froide (fournis gracieusement aux compétiteurs par une chaîne d’hôtels de rendez-vous sordides des environs de la station de métro Yser, quoi !… et de la rue d’Aerschot, quoi !… qui n’étaient même pas renseignés dans le « Guide du routard », quoi !), une procession de pénitents aux pieds nus et de FLAGellants sado-masos-nazis, une longue colonne de soudards en déroute suivie par une meute de chiens rongés par la gratte (tirant la langue, bâillant, se vidant la poche, se disputant et forniquant en public, quoi !) et par des tombereaux remplis de jarres de vin, de tonneaux d’eau-de-feu et de casiers de grandes bouteilles de Primus ou de Jupiler ou d’Awoyoo ou d’Eku que tractaient des femmes libres, vérolées ou sidatiques (flanquées des marmots morveux et piailleurs qu’elles fabriquaient et pondaient à chaque escale, quoi !… dès la troupe faisait relâche, quoi !), un peloton de champions cyclistes dopés aux hormones de croissance et le cortège carnavalesque du Tour de France lançant des tomates pourries, des boules puantes et de méchants pétards sur les spectateurs venus acclamer leurs héros, quoi !… Devant le palais royal, quoi !… Sous la pluie, quoi !… En présence du Nonce apostolique dont on disait qu’il était « papable » (et qui signait, au porte-plume, avec condescendance, d’onctueux autographes au citoyen Premier Commissaire d’Etat, au citoyen Président de la Cour Suprême de Justice, aux citoyens membres du Bureau Politique, du Comité central, du Conseil législatif et du Conseil judiciaire, au citoyen Commissaire d’Etat ayant en charge le Département de la guerre, au citoyen commissaire de la région urbaine de Bruxelles-Capitale, aux citoyens officiers généraux membres du Haut-Commandement des Forces Armées, aux citoyens Compagnons du Grand Chambardement et aux citoyens dignitaires des ordres nationaux du Corbeau, du Renard, du Lièvre et de la Tortue, quoi !), du Cardinal-archevêque de Bruxelles-Hal-Vilvorde (« à quand la suppression de cet archevêchat dont l’existence même constitue un anachronisme inadmissible et une atteinte intolérable au droit des peuples à disposer d’eux-même ! » pouvait-on lire sur des parcartes brandies par des contre-manifestants qui s’étaient mêlés à la foule des badauds, quoi !), du représentant de l’Opus Deï et de l’attaché militaire américain (qui se faisaient copieusement chier, quoi !… plissaient le front, se mouchaient avec mépris, se pinçaient le nez et les lèvres… mais faisaient leur sale boulot de flics quand même, quoi !… enregistraient tout, filmaient tout et prenaient des photos de toute le monde, quoi !), de Tintin, du capitaine Haddock (le grotto dont on disait qu’il mettait gracieusement à la disposition de son « petit chouchou » le castel de Molenkunst dont il avait hérité, quoi !), de la Castafiore et du professeur Tournesol, de Lucky Luke et de Jolly Jumper, de Gaston Lagaffe et de mademoiselle Jeanne (qui travaillaient ensemble au secrétariat du journal de Spirou, quoi !), d’Olrik, du capitaine Blake et de Mortimer, quoi !… et des anciens combattants (les petits malins qui avaient réussi à fuir les champs de bataille, quoi !… et qui, très heureusement, avaient survécu à toutes les guerres précédentes, quoi !… et n’avaient plus l’âge d’être mobilisés pour les suivantes, quoi !… et que Jean-Marc Turine se donnait la peine d’écouter et dont il écrivait les mémoires, quoi !) et des enfants des écoles qui agitaient, agitaient, agitaient des drapeaux et se disputaient (en s’imaginant… oh ! les sinistres impubères dont la flamme de la Pentecôte n’avait pas encore tonsuré les cheveux, quoi !… ni brûlé les poils du pubis ou du cul, quoi !… qu’il s’agissait de ballons d’anniversaire à gonfler, gonfler, gonfler, quoi !… ou de chewings-gums, parfumés à la banane ou à la fraise, à mâcher, mâcher, mâcher, quoi !) les capotes noires, jaunes et rouges que Judith Bisumbu distribuait, distribuait, distribuait aux patriotes et (trop tard, quoi !) aux mères de familles nombreuses, aux veuves et aux orphelins de guerre, aux militants et aux militantes du parti-état, aux gendarmes en uniforme et aux agents de la Sûreté en civil (portant une moumoute et des lunettes de soleil pour qu’on ne puisse pas les reconnaître, quoi !), aux pick-pockets et aux touristes, quoi !… Tandis qu’un cercueil essayait péniblement de se frayer un passage dans la foule pour se mettre au premier rang, quoi !… Et que des hommes mariés et des ecclésiastiques se collaient aux fesses des jeunes filles ou des jeunes garçons et leur tripotaient les nichons et en mesuraient l’élasticité (c’est pour un dépistage du cancer, quoi !) ou leur caressaient les couilles et les masturbaient avec leurs doigts rapaces, quoi !

- Et j’imagines que tu avais l’autorisation des pompiers ?

- L’auto quoi ?

- L’autorisation d’allumer un feu en pleine ville, Vieux Didier, à moins de cent mètres d’une maison habitée…Tu ne te rappelles pas les emmerdes qu’on a faites à Bruno Kasonga, il y a quelques années, dans la bonne ville de Renaix, non ?

J’espère donc, disais-je (avant d’être, encore une fois, interrompu par je ne sais quelle bande d’incorrigibles djimakplas), toucher un peu de pognon de la Communauté Française pour pouvoir reproduire mon sottisier et mes deux compils de dépêches sur les grandes machines de Copy-Shop, en haut de la Chaussée d’Ixelles, à la frontière de Matonge…


Près de la rue de la Paix et de « La Savane ».

- La savane ?

- L’ancien bistrot de référence de tous les « Z » de Belgique…

Le bistrot de tous les « Z » et aussi des « livres sterling », des « deutsche marks » et des « francs suisses »…

- Aut’ chose que des francs belges, ma soeur !

bourrés de devises étrangères et venus passer le week-end et claquer leur pognon et draguer nos femmes dans les bistrots prétendument mythiques d’Ixelles-Matonge...

Là-même où Romain Bula-Bula et Jeannette s’étaient fait prendre en photo avec leur fille Passyna…

« La Savane », rue de la Paix, à côté du distributeur de billets de banque…


de façon à pouvoir offrir mes écrits électroniques (ou certains autres de mes « inéditables ») à chacun de mes enfants et à quelques amis qui, vaillamment (croient-ils ainsi lutter contre la mondialisation américaine ?) résistent encore à internet et sont actuellement dépourvus

- Et ceux qui ont un ordinateur mais ne disposent pas d’imprimante, tu y as pensé ?

- Qu’ils se démerdent, quoi ! Qu’ils fassent preuve d’initiative, quoi ! Qu’ils impriment ça au bureau, quoi !

- Et les chômeurs et les retraités ?

- Qu’ils s’arrangent avec les « bons Samaritains » et les organismes dont le core-business est la compassion envers les plus démunis, quoi ! Caritas, G.W. Bush (qui s’est généreusement porté au secours des peuples d’Irak et d’Afghanistan, quoi !), les « Petits Riens », Médecins sans frontières, l’Armée du Salut, la Marine (qui s’est généreusement portée au secours du prince Laurent, quoi !… lequel s’était plaint de « gêne financière », quoi !), l’Usaid, Aldi, Lidl, Bill Gates, Richard Branson, la Fondation roi Baudouin, Bob Geldoff, Bono, Amnesty International ou le Cpas d’Ixelles, quoi !

d’adresse e-mail (ou dont j’ai égaré ou omis de noter les coordonnées ou qui ont changé de serveur)… et que j’adoooore… mais qui

- Ce n’est pas de ma faute, quoi ! Et puis les timbres ça commence à coûter vachement cher, quoi ! Et, à présent, je suis retraité, quoi ! Et la cigale ayant chanté tout l’été s’est retrouvée fort dépourvue, quoi ! Maintenant que la bise est revenue, quoi ! Et puis ça me fait chier, quoi ! (sauf avant, pendant les heures de bureau… quand je « bossais » encore, quoi !)… de devoir faire la file à la poste, quoi !

me reprochent parfois

- Mais pas tous, quoi ! Pas toujours, quoi ! Faut pas se faire d’illusions, quoi ! Il y en a même que ça arrange vachement, quoi !

de les avoir délaissés : Marianne Berenhaut, Charles Lundulla, Nsoki (qui vit actuellement en Espagne, à Saragosse, où elle a rejoint son fils depuis déjà un an), Papa et Maman Aba (fabricants de chikwangues à Lomé, pour la communauté congolaise du Togo… et des pays limitrophes, le Ghana, le Bénin… et même le Nigeria), Monique Fodderie, Henri Kadiebwe et Honorine, Pascale de Villers, Abdoulaye Ane, Najat Tahtah, Fo Bomboma, Arantxa et Laurent, etc.

Je pourrais même, pour « rentrer » dans certains de mes frais imprévus, mettre en vente quelques exemplaires de mes trucs ébaubissants et de mes machins espastrouillants à la « soirée littéraire » que Joëlle se proposait, avant mon départ pour Nassogne, d’organiser à la Maison du Livre, non ?

Si le projet vient finalement à aboutir, non ?

Perette et le pot au lait, quoi !



Et toi, petite chérie, tu m’aimes, non ?

- Non !

- Nan ?

- Non et non !

- Nan, naan et naaan ?

- On t’a dit non, non ?

- Et pourquoi ça, petite chérie ?

- Parce que tu es vraiment trop chiant, douchka !


Et voilà, recouic !

l’affaire est définitivement close…


et

mes douleurs s’installent à nouveau et

s’accrochent et

persistent et

et ne veulent plus me quitter et

les membres de la Commission des Lettres de la « Communauté française » (réunis en date du 1er février 2007) décident de

- Ça t’apprendra à faire la manche, douchka !

- Ben quoi, j’suis au placard moi ! Les chèvres sont devenues maigres et le ministère des Finances interdit aux placardisés de descendre à la mine chercher la viande de chasse pour nourrir la famille nombreuse ! Et ce n’est pas toujours facile, à mon âge, de lever des dames d’oeuvre et de faire minette à des professeuses de violon secret dans les toilettes ou les sous-sols de la gare du Midi ou de la station de métro Montgomery… Ou de dealer des hosties au crack ou à la coke dans les confessionnaux de l’église Saint-Boniface ou sur les trottoirs de la rue de la Paix à l’angle du Couloir de la Mort… Il y a une sacrée concurrence !

rejeter ma candidature à l’octroi d’une bourse littéraire et

je dois repenser ma stratégie et

j’envisage de diffuser mes compils par e-mail, pièce par pièce, comme des romans-feuilletons et

les évènements se précipitent et

je me retrouve bientôt obligé de quitter Nassogne et le Togo avant la date prévue…


C’est le six février 2007 en effet, vers minuit, que SuperAna a débarqué à Nassogne et…


Et sans doute devrais-je dédier particulièrement cette première édition électronique de mon sottisier à Claudine Gillet

- Salut, Roby !

qui a payé de sa poche un billet d’avion à Ana afin qu’elle puisse venir me rejoindre à Nassogne…

Et la dédier aussi au professeur Etienne Ayikoé Ayité (le premier à avoir identifié les sales bêtes qui me grignotaient les « affaires intérieures ») (mais… peut-être y en a-t-il encore d’autres… qui se rôdent toujours… s’embusquent, se taisent, écoutent, observent, attendent leur tour…), à la doctoresse Basouka, aux docteurs Johnson Amenu, Nestor Avia, Briand Bounkeu, Ruffin Ntounda-Saminou, Guy-Bernard Caddière et à tou(te)s les infirmier(e)s et à tous les brancardiers et ambulanciers qui m’ont tripoté, scanné, patouillé, trifouillé, échographié, brocardé, égayé, nourri au goutte-à-goutte, soulagé à la piqûre intraveineuse, anesthésié, angiographié, charcuté et promené en tippoy médical d’île et île, de Saint-Barruet à Saint-Joseph, à Saint-Charles de Gaulle, à Saint-Pierre et à Sainte-Edith Cavell…


qu’elle a constaté, dès le lendemain matin, que mon état de santé ne s’améliorait pas du tout et qu’elle a décidé, deux jours après, de me faire exfiltrer par les « services »…


Je suis donc revenu à Bruxelles… J’ai été ramené à la niche, au clapier, à la case départ de mon jeu de l’oie … mais (à l’horizontale, sur une civière) pas comme prévu (à cheval, sur la monture d’un cavalier Kotokoli) dans le scénario de base...


J’ai pu certes, avant de partir, donner l’accolade à Gougoui, mon beau-père et mon complice… mais je n’ai pas pu saluer Désirée, Lena

- Miss Dov est quand même venue me voir à l’hôpital Saint-Joseph !

- Ouais, je vois ça… L’hôpital Saint-Joseph à Tokoin Hédjranawoé, non ? L’hôpital « des Blancs », quoi ! Il n’y a pas de quoi se vanter, se marre Anne-Louise Flynn…

Bomboma, Kossi, Kudjo, Chantal, Adjara, Laurent, Salifou, Kluvi, Gabriel, Roger, Sena, Lucia, Yendoukoi... Je n’ai pas non plus revu Kangni Alem, Gaëtan Noussouglo et Crédo Tetteh… Et je n’ai pas eu l’occasion de rencontrer Denis Afantowou...


Bon.

Après quelques semaines de convalescence et de bouderie, je décide d’être en voie (mais je ne serai jamais tout à fait guéri aussi longtemps que je ne pourrai pas traîner des nuits entières dans les bistrots de Matonge, tremper des bananes plantain dans une sauce au pili-pili, me pèter la gueule à la grosse bouteille de Jupiler et tiiirer looonguement sur mes clopes comme je pouvais le faire avant) de guérison et

- Pour en avoir le cœur net… savoir à quoi m’en tenir… m’autoriser à enfin archiver un dossier qui me tourmente, taraude, torture, torsionne, triboule, tiraille, tarabuste et tripatouille les affaires intérieures depuis tellement longtemps…

de faire un Google et

- Parlez-moi d’Adjibossou ?

- Adjibossou ?

- Oui, Adjibossou… Disposez-vous d’informations concernant cet être (ce monstre sous-marin, ce lézard qui danse au milieu des flammes, ce serpent contorsionniste, cet insecte trapéziste, ce sorcier funambule, ce revenant masqué, cet esprit maléfique, cette divinité contrariée) ? Combien d’occurrences ? Pouvez-vous me transmettre un dossier complet sur cet Adjibossou-là ?

- Désolé ! Aucun document ne correspond aux termes de recherche spécifiés.

- Mais encore ?

- Essayez avec cette orthographe : Adjahossou.

après avoir « essayé avec Adjahossou »… et avoir ainsi parcouru la France (surtout du côté de Metz) et différents pays (surtout le Bénin) de l’Afrique (surtout de l’Ouest) et y avoir rencontré un agronome ayant rendu compte, dans une revue scientifique française, de recherches se rapportant à l’ablation des inflorescences et au rendement en tubercules du haricot igname d’Amérique latine cultivé dans le sud de la République du Bénin comme source potentielle de protéines pour l’alimentation humaine (en ce qui concerne la compétition entre les fruits et les tubercules, les résultats des recherches établissent clairement que les rendements en tubercules sont nettement améliorés par l’ablation des inflorescences), un enseignant-chercheur-consultant, une agricultrice, un étudiant en gestion des entreprises, un dirigeant de Telecel-Togo, un directeur adjoint des ventes dans les espaces Nedjma en Algérie et une magistrate en formation, je dois finalement

- Avec grand déplaisir !

constater que le moteur de recherche consulté n’est pas, à la date du sept avril 2007, aux environs de midi, disposé à (ou en mesure de) fournir une réponse pertinente à ma question.


Je ne saurai donc jamais qui est le véritable Adjibossou…