Grand Satan
GS II - Grand Satan et la pancréatite (sottisier de courriels)
2006-2007
Extraits
Les destinataires des différents courriels ne sont pas indiqués
A propos de Nassogne au Togo, voir aussi: ---------------------------------------------------------------------------------------------------
Bonsoir, petite sœur ! C’est encore moi, Vieux Didier ! J’abuse ?
J’y pense (toujours au cas où ton projet d’organiser, à la Maison du Livre « un grande soirée autour de (mes) textes…comme une sorte d'opéra symphonique épopée héroïque et chevauchée fantastique » viendrait à aboutir.... ce que je souhaite
- Anxieusement !
ardemment...), en plus des gens dont les mains sont toujours dégueulasses (les doigts salis par les pinceaux, les crayons, les feutres ou les fusains) et les ongles crasseux
et dont j’ai « annoté » les compositions (les « machines » fabuleuses qui habitent
- Certaines personnes ont une cave dans la tête, d’autres ont la tête dans un grenier !
le grenier de Roby Comblain, ses « plumes d’Autriche », etc) et les ai coloriées de bandantes
- Antéposition de l’épithète ? Wallonnisme FLAGrant ! s’enflamme Jipéji (« romaniste d’abord, Gaumais ensuite ! ») et condamne-t-il, toutes affaires cessantes, cette tournure incorrecte…
Ana entre en scène et (tout à fait hors de propos) se jette dans la conversation comme un Caterpillar dans un embouteillage…
- « Toutes affaires cessantes », douchka, voilà du bon français ! C’est comme ça que tu devrais écrire, non ? Comment disait-on encore « toutes affaires cessantes » à Kinshasa, en indubil ?
- Sauf erreur, petite chérie, dans « Jeunes pour Jeunes », Appolosa (avec deux « p » et un seul « l » ?) (ou un seul « p » et deux « l » ?) (il faudrait demander à Achille Ngoye, à Bruno Kasonga, à Barly Baruti, à Pat Mombili, à Maurice Boyikasse ou à Césarine Bolya) disait « Dérékitima » ou « Dirékitima » … à vérifier…On en reparlera plus tard, petite chérie, si tu veux bien…
épithètes
ou qui ont « illustré » quelques-uns de mes textes et, notamment certains de mes « Contes d’apnée » :
« Je croyais avoir accroché une bordure » (une BD de Claudine De Moor),
« Le soir, à la veillée, les vieux chênes racontent » (un crayon de Serge Poliart),
« Elle portait un scapulaire contre les fièvres » (un dessin de Fabienne Loodts)
ou qui se sont foutus de ma gueule de crapaud sur une ou l’autre de leurs toiles :
Chéri Samba nous a souvent « mis en toile », Ana et moi et se trouve être, particulièrement, l’auteur d’un somptueux tableau, jamais exposé (sauf à Ostende ?) qui fait la page de couverture du « Cul de ma femme mariée »
Jean-Marie Lahaye (alias « Le Juge ») m’a « croqué », dans le cas d’espèce, devant un rideau du salon de la Mère-Chef, au n° 27 de l’avenue du Comité urbain…
on pourrait également s’associer ou faire appel
à des « censeurs » : j’ai « en magasin » :
une préface du roman « Le cul de ma femme mariée » dont Jipéji
- Il y en a qui préfèrent ma préface à ton bouquin, Vieux Didier !
est l’auteur talenteux et différents articles de critiques littéraires* rendant compte, à l’époque, de la parution de ce premier roman en 1998,
une splendide autre « préface » ou une « lecture critique » signée par Gauthier de Villers en 2006 et portant, elle, sur « à Nassogne »
- Au lieu de devenir « africaniste », petite chérie, cet ami-là, aurait dû se faire écrivain ! Il a de la frappe et du tempo !
- Pourquoi ne dis-tu pas, tout simplement, que Gauthier a « de la plume » ? Pourquoi dois-tu toujours « faire compliqué » ?
- Je t’expliquerai plus tard!
de même que de nombreux commentaires et autres « petites phrases »*, chaleureuses ou assassines, colériques ou complaisantes qui m’ont été adressées, à propos de tel ou tel de mes trucs ébaubissants et de mes machins espatrouillants, par de nombreux amis : Anastase Nzeza Bilakila, (qui a été un de mes tout premiers « éditeurs »… à Kinshasa même), Sami Tchak, Claude Haïm, Mani Kisui, Carmelo Virone, Kangni Alem, Alain Brezault, Nadine Plateau, Daniel Simon, José Trussart, Henri Jouant, Bruno Maiter, Jean-Emile Caudron, etc…
je dois bien pouvoir retrouver tout ou partie de ça quelque part, sur mon PC, ici à Nassogne ou, plus tard, à Bruxelles, dans le brol ou le foutoir ou le bazar ou le lupanar de mon bureau-mansarde
et à des « bienveillants logeurs » qui ont accueilli, avec amitié (pas tous !), certains de mes textes
dans les revues qu’ils éditent (Archipel, C4, Le Galopin, Le Batia, Mandrill, Marginales… ou, il y a plusieurs dizaines d’années d’ici, Parole, Présence universitaire, Vie du Tiers-Monde, etc),
sur les blogs ou sites qu’ils animent (Togopages.net/blog, Cobelco, l’Assemblée des voisins, etc)
ou dans des recueils de textes qu’ils ont rassemblés sur un thème donné (Aïda Allouache sur l’agression américaine en Irak, Malika Madi sur la guerre faite au Liban en été 2006) et
à une « metteuse en ondes » : Violaine de Villers a réalisé une adaptation radiophonique remarquée de « Jodi, toute la nuit », avec Yolande Moreau dans le rôle de Jodi, en 2003 (émission co-produite, notamment, par la RTBF et l’Atelier de Création Radiophonique et Sonore ACROSS de Gregor Beck)… Violaine avait aussi, au préalable, rédigé une « note d’intention » se rapportant à son projet… mais cette note, datant de septembre 2001 et ayant longtemps figuré sur internet
- Je ne la vois plus !
n’est à présent plus visible sur mon écran…
à des intervieweurs :
Carmelo Virone, à la Foire du Livre de Bruxelles (en quelle année déjà ? dans quel parking souterrain ?) où lui-même et Jean-Pierre Verheggen m’avaient invité et
Criso Kitenge et François Okito à Radio Campus et
Alain Germoz dans « Archipel » et
Sonia Staes dans « La Régie », la revue du personnel de la Régie des Bâtiments et
quelqu’un dont j’ai oublié le nom (mais… que je me rassure… il a sûrement oublié le mien aussi) à la RTBF et même
à un fixateur d’instants, non ? Je songe ici, plus particulièrement, à Olivier Le Brun, vieux camarade qui m’a fait découvrir « mai 1968 » à l’ULB (ce n’était plus en mai, c’était déjà en juillet, je venais de rentrer du Congo-Zaïre, les locaux de l’université étaient encore « occupés » et les flics cherchaient à en déloger les étudiants… j’ai réappris à courir et à participer
- On ne m’y avait jamais vu ! On m’a pris pour un espion de la Sûreté ! J’aurais pu me faire lyncher ! Heureusement, que Marc Clausse et/ou Michel Graindorge m’ont reconnu et que les Trots et/ou les Maos se sont portés garants pour moi : « Du calme, camarades ! Du calme ! On le connaît, il est des nôtres, ce n’est pas un flic, c’est un compagnon de lutte ! »
à des « assemblées générales ») et les punks à Brighton, dans les années soixante-dix (il y a un siècle !) et avec qui (sauf erreur de ma part) j’avais été viré de l’église de Gesu… où nous
- Ce n’était pas lui, c’était moi ! s’insurge Jipéji (alias Semwaki)…
jouions au juke-box avec des cierges électriques à pièces de monnaie… avant qu’elle ne soit désacralisée et ne devienne une brasserie… par un vieux Christ outragé surgissant du confessionnal-poste de surveillance où il s’était planqué pour alpaguer les SDF qui se permettaient de piquer de l’argent des riches déposé dans les troncs des pauvres, et dont j’ai
- Aurais-tu tenté de les rendre salaces ou inintelligibles, douchka ? Les aurais-tu barbouillées, corrompues, avilies, dénaturées ?
gâché, par de vilains mots, quelques photos (des énigmes-images ?) qu’il a prises à/sur/de Bruxelles…
Ay ! Epuisant narcissisme. Strip-Tease et exhibitionnisme, FLAGornerie et léchage de culs, impudence et masturbation. Cette séance d’auto-glorification ou d’auto-FLAGellation (c’est quasiment la même chose, non ?) m’a complètement vidé.
Toi aussi, Joëlle, j’espère !
Vieux Didier serait-il donc en train
- J’entends déjà Jipéji ricaner, petite chérie !
d’essayer de se vendre ? Aurait-il, avec l’âge, perdu toute retenue et serait-il devenu outrecuidancier ?
L’angoisse !
On devrait peut-être bien tout annuler !
Et si on laissait tomber, Joëlle… et si je t’offrais, plutôt, trop de cigarettes à fumer, fumer, fumer et trop de verres à boire, boire, boire
- Mais, hélas, petite sœur, tu ne fumes plus ! Et tu ne bois qu’avec beaucoup de retenue ! Et me sera-t-il encore permis de fumer (sauf dans l’ancienne cuisine, à côté des nouvelles toilettes ?) à la Brasserie de l’Union après le premier janvier 2007 ?
chez Bart, Fabrice, Aziz et Hakim… pour fêter ce retour à la normale ?
Moralité ? Aucune !
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* A Nassogne, je n’ai pas accès à mon bureau-mansarde mais je viens quand même de redécouvrir sur mon PC deux très petits extraits de « critiques » (rassemblés et « condensés », le 3/7/2003, pour Sonia Staes qui m’interviewait pour « La Régie »…).
J’en ai quelques autres à Bruxelles…
Il faudrait que je retrouve un certain nombre de critiques portant sur « Le cul de ma femme mariée », celles :
- d’ André Stas (l’ami toujours présent… et dont je ne pourrai jamais oublier qu’il a acheté « l’original » d’un petit texte que j’avais rédigé sur le meurtre de Semira Adamu, « Etouffée par deux gendarmes, achevée par un curé », lors d’une « soirée-vente publique » au Cirque d’Hiver à Liège) dans C4 et Le Carnet et les Instants
- de Ghislain Cotton dans Le Vif-L’express, intitulée « PCV 784 mon amour »
- de Gauthier de Villers dans La Revue Nouvelle, etc…
Il faudrait aussi, absolument,
que je mette la main sur les « commentaires » :
- d’ Anastase Nzeza portant également sur « Le cul »: Ya Nze m’y avait mis à nu (et, sans doute, me connaît-il) mieux que tout le monde…
- et de Kangni Alem portant sur « à Nassogne » : Kangni avait été, de tous mes « destinataires », le premier à m’avoir lu (le jour même du « transfert » !), à avoir ri et à m’avoir fait connaître son point de vue…
En général les « critiques » et les « commentateurs » me comparent à tout le monde (Joyce, Sterne « toutes proportions gardées », Céline, Selby, Sartre, Achille Chavée, William Cliff, Beckett, Fanon et - Jipéji, évidemment ! - Proust, Caroll, Conrad, Orson Welles, Staline, Willy, Jouhandeau, Harlequin ou Adoras) ce qui signifie, je l’espère bien, que je ressemble à n’importe qui et que, dès lors, je ne suis la copie conforme de personne.
En attendant, voici toujours les deux « très petits extraits » rassemblés pour Sonia Staes… qui n’a même pas eu l’occasion de s’en servir (le rédacteur en chef de « La Régie » l’aurait-il censurée ?) :
Extrait d’une critique de Pierre Mertens parue dans Le Soir du 8/7/1998, sous le titre « Dans les marges… d’un safari verbal à Ixelles au spleen de Berlin » - à propos du roman « Le cul de ma femme mariée »
« Un Bruxelles réinventé et corruscant tient ici la place qu’occupait Dublin dans les premiers textes de Joyce. Toutes proportions gardées, on songerait volontiers à un Sterne d’aujourd’hui formant le projet de fonder à la fois le roman moderne et un nouvel avatar de l’amour conjugal (…) »
Extrait d’une critique d’Alain Germoz parue dans Archipel, Cahier international de littérature, n°13, sous le titre « Didier déchaîné » – à propos du roman « Jodi, toute la nuit (dont le chapitre premier a été publié dans la revue Archipel)
« Je ne connaissais pas Didier de Lannoy. D’emblée il me tutoie, prétextant qu’il ne vouvoie que les flics. Me voilà rassuré. Quand ses manuscrits me sont tombés dessus, j’ai embrayé séance tenante pour ne pas me laisser écraser. Jouer le jeu, c’est entrer dans un processus d’accélération du langage où, parfois, des lettres s’envolent, des points s’introduisent entre les mots, voire entre les syllabes, sans attendre l’achèvement de la phrase. Après lecture, je m’apparente à un chien hirsute, haletant, qui se demande ce qui lui est arrivé (…).
J’ai aussi retrouvé sur mon PC, ici même à Nassogne, une « relation » de Gauthier de Villers, écrivain fourvoyé en sociologie, redoutable fumeur de pipe… qui a une affection cachée pour les rappeurs et les petites frappes. Sa critique est chaleureuse mais moqueuse, fidèle mais vigilante, fraternelle mais pertinente :
Lecture critique de Gauthier de Villers, datant du 19/2/2006 et intitulée « Un lecteur à Nassogne » – à propos du roman « à Nassogne », sous-titré « Presque un mois chez Gougoui Kangni » :
« DDL apparaît résigné à ne plus publier ses « romans », à les destiner à une diffusion électronique au profit de ses familles restreinte, élargie et « épanouie » ainsi que de la beaucoup plus vaste catégorie de ses amis et connaissances. Heureusement son carnet d’adresses est fourni et diversifié. Mais il ne se fait pas d’illusion (« mes amis fatiguent », dit-il, et il enchaîne : « et moi-même je commence à douter »). Il propose cette estimation : s’il envoie son « roman » en attaché à 200 personnes, 12,5 le liront (ou du moins essayeront de le lire), 6,25 seront « perplexes » mais « tolérantes », 3,125 prétendront « adhérer » (« pour ne pas passer complètement ringardes ») et 1,5625 adoreront (ou feront semblant).
Je fais partie, moyennant des précisions, du 1,5625 deux centièmes. Précisions : j’aime (« tu n’adoreras que Dieu seul » !), et je ne fais pas semblant.
Pourtant, je le reconnais, il m’a fallu de sérieux efforts pour arriver au bout de ma lecture. DDL envisage que sa femme mariée, Ana, puisse demander le divorce pour « torture mentale ». C’est –je le paraphrase librement- qu’il l’épuise, comme il épuise son lecteur, avec tous ses points d’exclamation, d’interrogation et de suspension, avec ses parenthèses qui sont ou ne sont pas entre parenthèses, avec ses notes en bas de page qui ne sont pas en bas de page mais à l’intérieur du texte, avec ses phrases coupées par ses vraies et fausses parenthèses et ses vraies fausses notes... Elle, croit-on comprendre, il l’épuise non pas tant en tant que lectrice (le lit-elle, elle qui, prétend-il, ne s’intéresse guère à ce qu’il écrit ?) mais en tant que femme mariée avec un tel cerveau (« tout se passe dans ma tête », insiste-t-il). Il se rassure : elle ne divorcera pas. « Les enfants ne voudront jamais, eh ! ». Mais il a besoin d’être autrement rassuré : « Tu m’aimes ? ».
Un lecteur comme moi ne divorcera pas non plus. Parce qu’il l’aime lui ce DDL que, le connaissant en chair et en os depuis plus de quarante ans, il retrouve tel qu’en lui-même dans chacune de ses manières de dire les gens et les choses ? Sans doute, sans doute. Mais c’est que le DDL l’énerve aussi!, quand il écrit (c’est dans la liste –classifiée en catégories- des personnages, en annexe du roman) qu’on entre dans sa « famille épanouie » par « initiation et adoubement ». Le lecteur comme moi s’énerve : il n’a été ni initié ni adoubé (et ne l’eut voulu d’aucune manière) (il fait d’ailleurs officiellement partie de la catégorie plus ordinaire et dès lors plus fournie des « amis »). Lui reconnaîtra-t- « on » alors les qualités requises pour aimer vraiment ce « roman » qui n’est pas un roman mais le monde de et selon DDL ?
« Tout se passe dans ma tête », répète celui-ci. Peut-être mais cette tête est dans le stylo à bille qui noircit des fiches avec tout ce que captent les yeux et les oreilles de DDL et elle est dans les doigts qui tapent sur le clavier de l’ordinateur et elle est dans un style devenu comme une seconde nature.
C’est que DDL (il a beau dire : « Écrivain ? Écrivain mon CUL ! Écrivain de mes fesses ! ») est un écrivain. Lisez : « Seize heures. Un orage gronde. Des coups de vent. Une pluie s’annonce, volcanique et rafraîchissante (pas comme les pluies d’Ixelles -Matonge !). Mal nourri ou mal traité par les siens, un serpent sort de son champ, enfle, gonfle et obscurcit tout le ciel ».
S’il ne se surveillait pas, il nous donnerait beaucoup de ces moments « poétiques » ! Mais il se surveille et ne se permet le plus souvent de lyrisme que dans la légèreté et l’humour. Ainsi : « Les mots viennent. Pas de bruits. Des oiseaux chantent. Toute une sonothèque d’oiseaux dont j’ai oublié [ici, dans l’original, une parenthèse sans parenthèses] les noms et les prénoms. Tandis que d’autres volatiles, blancs à bec jaune, ne chantent pas mais arpentent la pelouse de paspalum1 (des pique-boeufs ?) (qu’est-ce qu’ils piquent quand il n’y a pas de boeuf ?). Les papillons volent et le gazon pousse (en silence, avec persévérance et discrétion) ».
DDL est un écrivain. Un drôle d’écrivain, certes ! Qui écrit pour n’être pas lu ? Non (même s’il se soucie peu de décourager ses lecteurs). Mais qui écrit pour écrire. Pour faire entrer dans son livre tout ce qu’il fréquente, voit, mange, touche... Pourquoi, lui dit Ana au téléphone, m’interroges-tu à propos de Walter et Annick ? « Pour rien, répond-il. Pour les citer, quoi ! qu’ils figurent dans mon bouquin ». Faire entrer dans son livre et marquer d’un sceau indélébile (rêve d’écrivain !), son style.
Au début du « bouquin », il se demande s’il ne se « risquerait » pas « à réinventer un genre littéraire frappé d’obsolescence, le testament ». Et on peut lire en effet ce qu’il écrit comme une espèce de testament. Où le testateur lègue à tous ceux qui, par leur lecture, recueilleront l’héritage, le monde qu’il a vécu, tel du moins qu’il l’aura vécu sur le tard de sa vie à Nassogne/Togo (tôt et tard sont des notions relatives, mais il tient à préciser : il se donne encore cinq ans).
Il a fait un rêve cauchemardesque d’un retour avec femme et enfants (les cinq « de base » : la progéniture directe) à Kinshasa. Celle qui fut sa ville d’élection se venge-t-elle qu’il ne lui ait pas fait un livre (comme il l’a fait pour Ixelles –Matonge ou Leuven ou New York)?
On ne saura pas pourquoi il n’a pas écrit ce livre sur Kinshasa, pourquoi il n’a « jamais su » ou s’est « toujours interdit » de l’écrire. « (faute de légitimité ?) » s’interroge-t-il, ajoutant : « (je n’ai jamais eu les audaces de Gauthier2 et de Filip !) (ou la naïveté ou le culot) ». Mais l’Ana de sa tête lui rétorque pertinemment : « Et à Nassogne, tu as une légitimité quelconque, douchka ? ».
Il aurait pu terminer son « roman » par le rêve de ce retour au Congo. « Ça aurait fait une belle fin, non ? Sinistre et profonde ? Pleine d’enseignements ? Lourde de symboles ? Comme une balle qu’on se tire dans la tête, non ? ». Mais, comme devant le lyrisme et la « littérature », devant le grave (ou le tragique ?), DDL pirouette ou s’esquive.
« Non, décidément, ce retour à Kinshasa, ça ne se passait pas trop bien.
C’est alors que je me suis résolu à entreprendre une ultime tentative... Écrire un nouveau livre...
-Écrire, c’est la seule chose que je sache encore faire, non ? Même pas ?
Un dernier "roman"... Pour la route... ».
Son « testament » donc (mais ne te presses pas trop lecteur à recueillir l’héritage : tu auras heureusement droit –comme tu as déjà eu droit dans le passé- à d’autres écrits testamentaires ou quelques codicilles).
Ce « dernier » livre est très « spirituel » ! très drôle souvent certes mais aussi très bouddhique !, empreint d’une bienveillance universelle. Même le moine capucin de l’avion (il est vrai qu’il est africain, togolais, circonstance plus qu’atténuante pour DDL !), il ne le moque et le provoque qu’avec délicatesse, gentillesse. Et voyez sa compassion pour une sauterelle (africaine certes aussi et en outre, elle, on va le voir, mécréante) : « En me promenant, j’écrase une sauterelle qui traverse le sentier sans regarder à gauche et à droite et sans même faire un signe de croix [ici une parenthèse entre parenthèses]. Je ne l’écrase pas volontairement mais par simple maladresse. Je me retourne pour lui demander pardon mais je crois qu’elle n’est plus en mesure de m’entendre ».
DDL « pour la route » fait ses bagages (croirait-il à la vie éternelle ?) (en tout cas voilà qui n’est guère bouddhiste et serait plutôt chrétien !). Il entend ne rien oublier. Mais comment ne rien oublier. « Je note tout », dit-il, mais il met à cette affirmation un point d’interrogation. Cependant il fait l’impossible. Ici comme dans tous ses autres textes, il énumère gens et choses, saisit le moindre prétexte pour faire entrer –de gré ou de force - dans le « roman » toute la « famille étroite » et le plus possible de plus ou moins proches, ainsi que lieux, événements, anecdotes (mais tout cela passé au crible car c’est un pudique – et un rusé !- et parce que, affirme-t-il, il n’« aime pas déranger » et donc ne veut pas compromettre, embêter, tous ceux que « bon gré mal gré » il implique dans ses histoires sans autre queue ni tête que les siennes).
Impossible cependant de faire entrer toute sa vie dans un livre, même quand on prend le parti, comme ici, de ne retenir dans cette vie que ce que l’on a, à tel ou tel égard, aimé. Alors il faut réduire l’ambition, chercher au moins à absorber, assimiler, apprivoiser (s’approprier serait le terme le plus juste) un moment et un lieu. Ce sera, durant un mois, le « château » de Nassogne -Togo avec son « parc » (réincarnation sous la forme d’une auberge tenue dans la campagne togolaise par le beau-père d’Ana, Gougoui Kangni, réincarnation ironique, mais fort symbolique bien sûr, et discrètement –honteusement ?- nostalgique aussi ?, du Nassogne –Belgique de la famille de Lannoy). Il faudra, durant tout ce mois, pour ne rien omettre ou manquer (résidents et visiteurs, bêtes domestiques ou de passage, arbres et plantes, caprices du ciel, nourritures terrestres, loisirs et travaux, incidents domestiques et accidents mécaniques...), pour tenter (désespérément ?) de ne rien omettre ou manquer, ne pas bouger du lieu d’assignation (c’est Ana qui l’a assigné à cette résidence d’écriture), ne pas fréquenter les bouis-bouis des environs ni les bars de Lomé, et ... se lever tôt ! »
1. Notez le mot rare (tellement rare que je ne le trouve pas dans mon Petit Robert). C’est qu’il a du vocabulaire le DDL ! Et le souci de la grammaire. « C’est quoi ça comme français », dit-il à son ordinateur qui lui a envoyé un vilain message.
2. qui n’a jamais écrit ce que l’on pourrait appeler un « livre sur Kinshasa »
J’ai également retrouvé sur mon PC, à Nassogne, quelques-uns (commentaires) et unes (petites phrases) qui datent aissi de 2003 (j’imagine que cette année-là – je m’y croyais peut-être ? - je faisais l’effort d’archiver les messages que je recevais)… et plusieurs autres de 2006 :
- Commentaires de Bruno Maiter (mail du 5/5/2003) à propos de « Jodi, toute la nuit », intitulés « Réactions diverses à Jodi, toute la nuit » :
« Pourquoi « presque un roman » ? Pourquoi « avec quelques noms-clefs » ? Pourquoi « pour surfer » ?
Les mots di. Visés! Ca m'em. Pêche de li. Re vite en dia. Gonal. E.
Tu m'obliges donc à m'appliquer, à revenir sur mes pas; au début, ça ne me plaît pas du tout; et puis je m'habitue et je prends plaisir à décou vrir ce que les mots ont dans le ventre, je prends plaisir à ce ra lentissement. Mer ci.
Reste une question: pourquoi as-tu découpé les mots de tel passage et pas ceux de tel autre ? S’il y a un critère, je ne l’ai pas trouvé. Evi. Demment, un ro. Man entiè. Re. Ment décou pé, ce. Se. Rait trop.
Autre question : le découpage tombe le plus souvent entre deux syllabes, pas toujours. Tu sais pourquoi ?
Pourquoi aussi certains blancs entre les mots?
Par exemple: C’était dans le Sud, il y a longtemps, quand j’étais blanc, avec un espace entre Sud, et il, puis quelques lignes plus bas, sans espace.J’ai un peu honte de m’arrêter à des détails comme ça. Un peu.
Pourquoi ce livre? Pour séduire, provoquer, témoigner, changer? Ce livre qui est un vrai travail, une construction, pas seulement un amusement, un passe-temps. Pour le lecteur aussi d’ailleurs.
Le vocabulaire de la santé ne prend-il pas trop de place? J'ai eu la tentation de consulter un petit dictionnaire médical reçu en prime, pour savoir de quoi tu parlais mais -paresse ou prudence- je ne l'ai pas fait. Je me suis demandé pourquoi halitose ou mycose manquaient, par exemple. Et puis, surprise, quelques dizaines de pages plus tard, mycose apparaît.
Ta culture m’étonne, m’assomme, me décourage. Ca veut dire chez toi, beaucoup de mémoire, beaucoup d’intérêts, que je n’ai pas, ou moins. Ta culture me stimule donc, m’encourage, me décourage aussi. Je connais les Mohicans, les Sioux, les Apaches et, surtout les Navajos. Avec toi, il faudrait que j’y ajoute les Oglalas, les Pimas, les Shawnees, Kaws ou Kiowas, au moins.
En deux colonnes opposées, d’un côté, une langue sans s ni z, sans g, ni j (sauf Joy ?), hargneuse, et une langue policée, une sorte de blues, de l’autre. C’est bien, mais ici non plus je n’ai pas trouvé le critère, la nécessité. Sauf que le discours lu dans la colonne de droite, retrouvé plus tard en pleine page, la pleine page me dérange, un peu, à peine.
Ton texte en deux colonnes, le lecteur a le choix entre lire la première colonne puis le seconde, ou lire la première ligne des deux colonnes, puis la deuxième, etc, ou toutes les formules intermédiaires. Mais parfois il n’y a pas deux colonnes et tu imposes un mode de lecture. Ca donne des phrases hachées, comme au début de 2.2, la rencontre de Jodi et de Manya.
Lidia, quatre ans, presque, a logé chez nous pendant trois jours. Trois jours de découvertes. Pourquoi ceci, pourquoi cela, qu'est-ce que ça veut dire, etc. Trois jours caca aussi. Dire caca, ça la réjouit; elle nous regarde en coin, l'air complice. Toi, ton mot-fétiche, ce serait plutôt cul.
Je reviens au tout début pour te dire combien cette phrase me touche : « Sommeils en retard, rattrapés vaille que vaille sur un trottoir, dans des parkings et des entrées d’immeubles. Les bancs sont rares ». Ta ponctuation est simple, directe, efficace. J’aurais écrit, je crois : « … sur un trottoir, dans des parkings et des entrées d’immeubles : les bancs sont rares. » Je ne vais pas vérifier mais j’ai l’impression que tu emploies peu de deux points ou de points-virgules, qui compliquent.
Pourquoi parfois des noms de personne en gras ? Nina Simone, deux fois. Je n’ai pas compris ce que le personnage et son auteur en pensent.
Parfois, je note de toi à moi une différence de génération. Comme si tu étais quelque part entre Lidia et moi, du côté de Charlie (un autre filleul, on a fêté ce week-end ses dix-huit ans). Notamment, des mots que je ne connais pas. Exemple : denim (…) ».
- Commentaires de Carmelo Virone (mail du 16 août 2003) à propos de « Ana » qui s’intitule à présent « Mama na ngai » :
« Dans le foutoir de mon bureau, que je range avant d'entamer une nouvelle saison de Carnetetlezinstants, où j'aurai des centaines de pages de romans bcbg et de poèmes cqfd à me mettre sous les mirettes, je retrouve, dans une enveloppe blanche datée de février 2002, un foutoir encore plus foutraque que le mien, ton texte Ana, e-roman privé, que je lis, que je n'arrive pas à lire évidemment (trop de parenthèses, pas asser de synthèses ou d'antithèses), mais qui me donne envie de lire, ou de rire c'est selon, en me disant quel foutoir ce foutoir, mais au moins quelque choses y vit, en surgit, quelque chose se passe du grand bordel des mots qui donnent les foies, pas la foi, les foies gras d'oies qui se gorgent de mots, dans le grand bordel de luxe à la pensée caviarde, et c'est réjouissant ces foies gras d'oie qu'on se fourre dans l'oeil, alors, plutôt que de garder ça pour moi, et vite, pcq je n'ai pas que ça à faire, moi, je dois ranger le grand foutoir de mon bureau où j'ai retrouvé ton roman é-mail, je te dis : salut DDL ! »
- Commentaires de Jean-Pierre Jacquemin (1/2/2006) à propos du roman (que Jipéji qualifie de roman de mœurs postcoloniales) « à Nassogne ». Jean-Pierre Jacquemin, alias Jipéji, m’a écrit une « gosette aux pommes », très épicée (sont-ce des pommes ou du gingembre qu’il met dans ses chaussons ?) (ou du piment « spécial », dont les effets sont à retardement et qui piquent à l’anus plutôt que dans la bouche ?). Jipéji, très opposé à toute forme de ruralité (serait-elle hospitalière), ajoute un « plus » manifeste à l’art des notes en bas de page : une deuxième nbp renvoyant successivement aux nbp 3, 4, 5, 6 et 7. :
« D’entrée de jeu, c’est attachant. L’opuscule est bucolique. On aime très vite cette fiction (friction ? miction ?), cette oraison (é)jaculatoire, où un narrateur vieillissant s’octroie un congé conjugal, familial et social pour s’enfoncer quelques semaines dans un petit trou d’Afrique de l’Ouest, au milieu dépaysant (1). Là, dégagé de tous ses fils (et filles) à la patte, il respire. Il dort (bien). Il écrit (beaucoup). Il boit (moins). Et il mange, il mange, il mange. Il fiente. Il dégouline. Il (se) torche (avec) son tapuscrit.
Au début, le livre est appétissant. Puis, il devient franchement boulimique, jusqu’à la nausée totale, jusqu’à nous faire dégueulrgiter ! Et on est forcé de s’incliner bien bas (au fond de la cuvette) devant la maîtrise que déploie l’auteur de ce prospectus anti-touristique.
Un ouvrage honnête et même courageux et qui permettra, du moins on l’espère, que plus jamais Nassogne (Togo), gîte rural peuplé de moustiques prétendument virtuels, de chiens et de chèvres lubriques, de couples dominés par leurs bas instincts, de slips vecteurs de mycoses et de gants de toilette humides, n’accueillera dans ses paillotes un seul Yovo (Blanc) en goguette (ou faut-il dire en guinguette ?) ! Un roman généreux, utile, carrément prophylactique !
Jipéji (2) »
(1) d’accord, c’est un mauvais jeu de mots, mais je n’ai pas pu résister…
(2) gros niqueur littéraire et figurant intelligent (3) dans les BP (4), les BD (5) et les BM (6) de DdL (7)
(3) un figurant intelligent est celui qui a le droit de prononcer dans le film une ou deux courtes répliques (par exemple, dans la foule des chrétiens agenouillés, muets, sur le sable sanglant de l’arène, celui qui ose défier l’empereur en le regardant bien en face : « Tyran, à défaut de ton langage, Dieu châtiera ton orgueil ! »).
(4) bêtes péplums
(5) bêtes dazi-baos
(6) bottins mondains
(7) Didier de Lannoy, incontinent littéraire, couturier de patchwork et de zoba-zoba, enté de boutures célèbres : Proust (A l’ombre de ma jeune femme en fleur), Caroll, Joyce (Ulysse au pays des merveilles, Gens de la rue de Dublin), Céline (Voyage à crédit), Conrad (le cul des ténèbres) et, côté cinoche, Orson Welles (Citizen Kangni). Avec des relents de Staline (le linguiste), de Willy (le mari de Colette)), de Jouhandeau (le mari d’Elise) et des pâmoisons de petite chérie de chez Harlequin (Paris) ou Adoras (Abidjan).
- Commentaires de Nadine Plateau (mail du 23/2/2006) à propos de « à Nassogne ». Ces « commentaires » (lucidité, acidité, aménité, causticité, sérénité, perversité, intégrité ?) de Nadine Plateau, croustillants comme trois (ne pas en abuser quand même… lorsqu’on souffre du diabète ou qu’on suit un régime…) croissants chauds, sont intitulés « Lectures contraintes* » :
« (* par analogie et en hommage à « tôles contraintes » une expo de B. Villers en. 19?? A Namur que personne n’a vue, ni commentée, et qui était magnifique)
Il y a eu Weyergans, j’avais oublié mais la radio me l’a rappelé ce soir. Foire du livre. Il m’a fallu entendre ce nase parader au micro, prix oblige. J’avais été contrainte de le lire en voiture entre Berlin et Bruxelles n’ayant rien à me mettre sous la dent. Il me sort de partout, pustules, pétéchies et compagnie.
Il y a eu FOUDROL, c’est un ami qui l’a écrit. J’ai pris le temps dans un train.
Il y a eu NASSOGNE, c’est aussi un ami qui l’a écrit et là aussi j’ai pris le temps dans un train.
C’était prévu que je lise ces deux textes de deux amis dans le train.
Lectures(s) contrainte(s) donc par l’amitié, je ne trouve pas d’autre mot, parce que sinon dans ma vie, je lis pour mon travail, mes intérêts militants ou alors je lis des romans avant de dormir pour le pur plaisir qui doit se déclencher dans les 30 premières pages (Manchette, Wharton etc…). Donc tu n’aurais pas résisté au critère des 30 premières pages (avant de dormir et pour nourrir mes rêves). Mais j’ai lu puisqu’un autre critère était retenu pour ce voyage. Et voilà, j’ai lu ce récit (non pas un roman, plutôt un carnet de bord, un journal intime, des notes de voyage) plane, plane, plane en me disant de plus en plus au fil du « roman », il y a 120 pages donc cela va s’arrêter, mais au fond il n’y a aucune raison que ça s’arrête (sinon que tu pars). C’est quoi ce truc ? Un texte qui ferait le joie des lecteurs/trices si l’auteur était déjà connu, apprécié, adulé même peut-être. Ou un texte à usage interne (familial) ? Un testamour comme disait Dutronc ? Tout cela sans doute et moi lectrice au milieu, que faire ? Que faire de cette tristesse, de cette sombresité, de cette noircitude ? Et pourquoi diable as-tu évacué le monde de ton écriture ? Et te prends-tu pour une féministe pour qui le « privé est politique » ? Et où as-tu remisé ta violence, ton agressivité, ta méchanceté, ta corrosivité, ton acidulation, etc. ? C’est quoi ce truc ? Je n’y comprends rien. Et pourtant beaucoup de choses que j’aime « bouffe, dormir » et « Tu m’aimes ? », ça sonne juste et ça me parle. J’adore quand tu parles des chiens et autres animaux. Je suis émue par l’impuissance et l’amour. J’adore tes histoires de petites culottes que tu laves diligemment. Mais c’est quoi ce truc ? A qui tu parles ? Que de la famille ? Tu vas pourrir bientôt (je voulais écrire mourir mais le clavier, zut) et tu te fais joli, mignon, gentil, attendrissant, émouvant, etc. Merde je n’y comprends rien à ton histoire. Parlons écriture, ha ha, idem. Elle est cool, quasi pas de notes en bas de page. Presque classique. C’est quoi ce truc ? Et pourquoi as-tu balancé tes valoches, ta baroquitude, tes tendresses maladroites ? Et en fin de compte, pourquoi tu ne prendrais pas le manuscrit, le découperais en lanières, en jetterais neuf dixième (façon de parler, ça reste dans l’ordi) et agencerais le reste de manière aléatoire assistée, pour en faire un condensé à usage de public large en quête de sens ici vite beaucoup maintenant. Et en fin de fin de fin du compte, je pense que tu es un vrai écrivain et que c’est cela qui fin de fin de fin compte. Et puis, te dirais-je que dans cette contrainte je n’ai pas été malheureuse, que j’ai même pris mon pied par moments. A quelque chose malheur est bon !!!! »
- Commentaire très amical et très confraternel d’Alain Brezault (mail du 24/3/2006) à propos de « à Nassogne ». (j’ai malheureusement été amené à supprimer les nombreuses et importantes citations… ça prenait trop de place et c’était difficile à copier-coller… la machine « compliquait » et je ne m’en sortais pas… et Alain n’était pas là pour m’aider) :
« Didier de Lannoy, ce n’est pas toujours que cette « anti-littérature » où il exprime dans un style par ailleurs inimitable une forme de dérision au quotidien, emprisonnant dans une même phrase ou dans un même interminable paragraphe des réflexions, des dialogues, des renvois en bas de page, des descriptions savoureuses, graveleuses, amoureuses, parfois faussement cyniques, surtout lorsqu’il en vient à convoquer au banquet de l’amitié planétaire tous les témoins d’une vie particulièrement riche, remplie de souvenirs qui interpellent le lecteur au moment où il s’y attend le moins et lui font perdre le fil d’Ariane dans le labyrinthe de son récit… (allons bon ! Voilà que moi aussi, je m’embarque dans une phrase interminable !)… c’est aussi, l’air de rien, un sacré écrivain qui renvoie tout un chacun à ses propres velléités d’écriture, celles que l’on n’ose pas avouer car, la velléité étant quand même la chose la mieux partagée par les temps qui courent, on n’a pas besoin de faire semblant de manipuler les mots censés appartenir à tout le monde pour constater que, sans talent (celui que justement Didier fait semblant de ne pas posséder car la fausse modestie est son principal défaut), la petite musique que l’on souhaiterait faire entendre restera à jamais inaudible, un vulgaire assemblage de lettres mortes, de phrases poussives jetées en vrac sur une partition de papier qui, après plusieurs vaines tentatives de remise en forme, finira à la poubelle, faute d’inspiration et de confiance en soi.
Dans « écrivain », disait Williams Sassine, il y a « écrit » et « vain ». Les perles qui jaillissent à mots découverts dans l’écriture atypique de DDL ne sont jamais vaines, elles constituent au fil des textes rassemblés un collier amoureusement offert en parure à Ana… qu’il peut, en rigolant (pour évacuer un sentimentalisme de mauvais aloi et rassurer son ego machiste de buveur invétéré de bière Jupiler) (trônant au milieu des amis de la rue Maes arrivés à l’improviste, comme chaque soir), interpeller d’une voix forte qui déconcerte certaines féministes convaincues par des années de militantisme ingrat :
« Bobonne, on a soif ! Nos verres sont vides !…»
Bon retour à la maison, Didier, tu nous as manqué… Et si la lecture de ton « putain de roman » nous a permis de « voyager » dans tes bagages, sache tout de même qu’elle ne remplacera jamais le plaisir de te retrouver parmi nous en chair (pas si faisandée que tu le prétends) et en os (tiens ta bougie droite pour entretenir la flamme !)… En attendant de nous envoler enfin, un jour prochain, tous ensemble, pour rendre visite à l’ami Gougoui dans son nouveau Nassogne du Togo… »
J’ai aussi retrouvé sur mon PC, datant également de 2003, année d’archivage, quelques réactions (que je reproduis ci-dessous intégralement, sans commentaires… mais je me rattraperai par la suite, eh !) se rapportant à un de mes Contes d’apnée, « Le crocodile, le léopard et l’aigle », conte d’inspiration togolaise, dont la dernière phrase (« ce n’est pas un péché de tuer des Américains ») n’avait pas, à l’époque, laissé tout le monde indifférent.
Quelle volée de bois vert j’ai reçue ! Quelle correction ! Quelle raclée ! Quelle tripotée ! Quelle fessée !
Et puis… quelle redécouverte aujourd’hui, plus de trois ans après !
J’avais complètement effacé ce tapage et ce tumulte (mais, hélas ou heureusement, mon disque dur veillait) de ma mémoire !
- Sami Tchak (mail du 17/12/2003) : « Cher auteur, je ne sais pas qui vous êtes, mais j'ai lu avec votre plaisir votre fable ultra-moderne. J'adhère à vos idées mais me désolidarise de votre conclusion car les Américains, ce n'est pas un individu, mais des êtres humains dont beaucoup pensent comme vous, sont plus fins dans leur perception du monde, beaucoup plus fins que certains Français aux opinions très grossières. En tout cas, on pense mieux le monde aux Etats-Unis que partout ailleurs aujourd'hui, les meilleurs esprits se concentrent là-bas, venus de tous les coins de la planète. Et c'est un crime de tuer tout simplement, même Saddam Hussein, Bush ou Ben Laden! »
- Nadine Plateau (mail du 18/12/2003) : « J'adore ton texte. Je le trouve très fort, il a un souffle planétaire. Mais je ne peux accepter la dernière phrase, pour moi elle casse tout ce qui précède. Evidemment je n'ai aucun atome crochu avec la perversité ».
- Bruno Maiter (mail du 18/12/2003) : « (Merci pour ta fable ou ton conte…) mais manque d'humour d'intelligence, de conviction, je ne peux recevoir sa dernière phrase (celle en italique): elle me choque excessivement. D'une pierre deux coups: je sais que ça te fera plaisir (pour d'obscures et multiples raisons que je ne connais pas) ».
- Ana Lanzas (échange de propos acerbes entre époux ou simple « conversation conjugale » du 19/12/2003… telle que je la relève dans un mail « collectif » du 20/12/2003 dans lequel je suis censé, avec une sincérité douteuse, « faire amende honorable » ) : « Et que fais-tu de mon beau-frère ? Et des Panthères Noires, etc ? ».
- Gauthier de Villers (mail du 19/12/2003). «Oh Didier, meilleurs voeux aussi, mais cette fois tu vas trop loin ! "Ce n'est pas un péché de tuer les Américains!" Il ne s'agit pas d'une phrase en l'air puisqu'il y a aujourd'hui des gens qui considèrent qu'il est de sainte guerre de tuer au hasard des Américains (ou des Israéliens ou...). Et tu aurais pu écrire "Blancs" au lieu d' "Américains" puisque ceux-ci ne sont, dans la logique de ton texte, qu'une sous-espèce de celle qui écrase le monde sous son infâme patte blanche. Tu aurais pu intituler ton texte "Bagatelle pour des massacres" (pour l'écrivain que tu es comme pour celui qu'était Céline ce genre de textes n'est en effet que "bagatelle" mais peut-on traiter sur ce mode de telles questions?)... Tu vas plus loin encore que Fanon et Sartre il y a quarante ans. Et déjà les Damnés de la terre et leur Préface étaient des textes aussi faux que contestables, et écrits d'une part par quelqu'un, Sartre, qui ne connaissait rien et ne voulait rien connaître de l'Algérie, d'autre part par quelqu'un -Fanon- qui projetait sur l' Algérie une expérience -celle du racisme anti-noir- qui n'avait pas grand rapport avec celle des Algériens. Et on est plus de quarante ans après! Un écrivain kabyle Alex Bayler a écrit il ya peu une pièce de théâtre dans laquelle il imagine Sartre et Beauvoir aux mains des GIA. L'émir veut, sous peine de mort, obtenir leur conversion à l'Islam. Il invoque contre Sartre ses anciens écrits donnant aveuglément raison au nationalisme algérien, ne s'interrogeant pas sur tout ce qui allait dans le sens de ce qui est effectivement arrivé : le règne de la violence, la volonté d'éradication de toute présence non islamique, l'oppression des femmes. Et Sartre de répliquer en donnant raison à Camus... Quarante ans après ! Hussein, Mobutu, Ben Laden, Khomeini (ou le Shah) sont-ils des "Damnés de la terre"? Les "lombrics" et autres "cordes à sauter" des égouts de Shangai ou de Bombay se révoltent-ils contre des oppresseurs "blancs"? Salutations colériques mais salutations sincères quand même »
- Claude Haïm (mail du 21/12/2003) : « Hier, j'ai eu envie de répondre à ton conte de Noël, (car c'est bien un conte de Noël chrétien, les contes de Nouvel An cela n'existe pas), parce que Gauthier condamnait tes excès de langage qui surpassaient, écrivait-il, ceux de Sartre et de Fanon. La comparaison me semblait audacieuse mais je n'avais pas réussi à en démonter la diablerie. En fait Gauthier comparait l'incomparable, Littérature et écriture, poésie et philosophie. Or ton texte appartient incontestablement au domaine de la Littérature, comme toute ta production actuelle et l'excès des mots est la définition même de la poésie, c'est pourquoi c'en est et pourquoi ces excès sont indispensables. Mais ce qui me semble tout au moins erroné c'est de mélanger Littérature et politique. Si effectivement, la poésie peut en de rares occasions soutenir l'exaltation révolutionnaire romantique, en cette période de réaction radicale, il me semble qu'il faut mettre sa plume au service des idées et non faire oeuvre de narcissisme. Car la Littérature n'est-elle pas avant tout la jubilation égoïste de jouir de la lecture de sa propre intelligence, alors que la modeste écriture met les mots et la technique au service d'une idée. Le service étant entendu comme moyen de convaincre et de faire partager à un grand nombre les idées bonnes à être défendues.Je ne nie pas le plaisir (masturbatoire) que je peux avoir à lire de la Littérature, mais je ne prétends pas poser ainsi un acte politique. C'est un égaiement de cénacle et non un geste révolutionnaire. En cette triste période de recul (radical) des idées, ce sont elles qui doivent être défendues et non les mots pour eux même. Les raccourcis Littéraires, les approximations Poétiques, nuisent à la cause qu'ils prétendre défendre, l'autopsie du stalinisme, la vivisection du néo capitalisme, l'épluchage des désirs petits bourgeois sont des sujets de réflexion indispensables mais je ne pense pas que la voie poétique soit la plus judicieuse pour en faire une analyse exhaustive. Et c'est bien de cette nourriture là que nous manquons et non du feu d'artifice des mots. Dans ton texte tu as eu la malencontreuse idée de mélanger deux genres : l'allégorie poétique et le slogan révolutionnaire, pas étonnant dès lors que tu ais eu autant de contradicteurs déçus (les amateurs de Littérature) et quelques rares laudateurs, (les impénitents utopistes du Grand Soir) ».
Et, « fin des fins », c’est-y pas beau ça, j’ai encore retrouvé sur mon PC, toujours ici à Nassogne, un texte que Henri Jouant, un compagnon de lutte, un camarade, un ami (par surcroît, ancien collègue de la Régie des Bâtiments) m’a envoyé à l’occasion de ma mise au placard ? Si joliment troussé ! Ana en était toute chamboulée. Moi
- Toi, tu n’es qu’une pourriture !
aussi. Et ce texte-là ne date pas de 2003 mais de fin 2005
D’accord Henri Jouant ne parle pas de mes « écrits »… mais il parle plutôt de (et à) leur auteur. Et c’est peut-être encore
- J’entends Jipéji sarcasmer, l’affreux jaloux !
plus fort, non ?
Après avoir reçu autant de coups de chicote (sur la place du village, devant le cadre territorial, l’agent sanitaire, le missionnaire, les catéchistes, l’agronome, l’instituteur, les enfants des écoles, les planteurs… et tous les autres habitants du bled obligés, à des fins pédagogiques, d’assister à mon supplice et dispensés, ce jour-là, des cultures obligatoires et des travaux forcés de cantonnage manuel) à cause de mon Conte d’apnée « Le crocodile, le léopard et l’aigle », j’ai bien droit à une petite « doudouce », non ?
Et comme Ana n’est pas là pour me prendre dans ses bras, essuyer mes larmes et me passer de la pommade sur les fesses…
Voilà donc ce que m’écrit Henri Jouant :
« Au grand frère que je n’ai pas eu… Mais que tu m’as fait rencontrer…
Que l’Affligem va me goûter tristounette désormais ! Que le Bar de l’Union va me sembler fade ! Avec qui m’épancher ? Avec qui défaire le monde ? Avec qui cracher sur Bush et pisser sur les crucifix (ou le contraire) ?
Me restera plus qu’à lire le Standaard en buvant de la Triple Wesmael. Seul abandonné d’un gens humain en voie de disparition (il est pourtant vrai que t’es pas encore mort.) Me restera plus qu’à me convertir et à brûler des cierges à Sainte Ana pour qu’elle te shoote hors de son lit, de ses jambes, de sa cuisine, des chiottes ; qu’elle débranche ton ordi ; te coupe les vivres, cadenasse le frigo ; t’interdise de fumer ; t’oblige à servir des petits fours aux copines du quartier, d’aller chasser le bison, de faire les courses de la semaine (à pied) ; te cherche des poux ; t’éjecte ; t’expulse (sans charter) ; te reconduise à la frontière de Saint-Gilles ; te vomisse ; te rende (disponible) (libre) (avec de l’agent de poche quand même) (avec un ticket de la STIB) (avec interdiction de rentrer avant 15 heures).
Bref, tu vas manquer. Beaucoup. Trop. L’hiver va être long, dur, pénible, déprimant.
Mais bon, on ne va pas joëliser en se tapant la tête au mur des lamentations inutiles. On ne va pas verser des larmes de vin de messe sûret. Pas se niquer le ménisque du cœur à pleurnicher. Pas rester planté sur un quai de gare.
Non, Jef !
On se reverra au Bar de l’Union, chez Lequet (sur la Batte, le dimanche) (les meilleurs boulets de la région) ou quelque part au Togo(lo) ou ailleurs pour bouffer des frites à la moutarde (avec les doigts), des caracoles, du moambe (avec du saka saka ou sombé) (même que j’aimerai pas ça), des tapas mixtes épicées à se fil-barbeliser le cul (même que j’aime pas ça) ; boire une pinte, une Jupiler, une Maes (même que j’aime pas ça non plus).
Avec Jan, Didier (l’autre), d’autres, en se rappelant le bon temps de DVG.
Allez, à la revoyure, mon gars ».