vendredi 23 avril 2010

GS II - Courriel n°9: Calcul hépatique ?

Didier de Lannoy
Grand Satan

GS II - Grand Satan et la pancréatite (sottisier de courriels)
2006-2007

Extraits
Les destinataires des différents courriels ne sont pas indiqués



A propos de Nassogne au Togo, voir aussi: ---------------------------------------------------------------------------------------------------



Tikhon Tikhonovitch


En fait mon urine n’est pas exactement jaune. Elle est plutôt d’une couleur orange

- J’ai honte de déposer mon caleçon dans le panier à linge sale, petite chérie ! Que je l’emballe dans un mouchoir, une chemise ou un t-shirt ? Que je fasse semblant de l’avoir oublié dans une poche arrière de mon jeans ou de mon pantalon wax ? Et qu’Adjara ne s’en rende même pas compte ? Aide-moi donc, petite chérie, dis-moi ce que je dois faire et comment me sortir de cette embrouille ?

- Je trouve qu’avec l’âge, douchka, tu commences à te comporter comme un vrai macho yovo ! L’année dernière tu les lavais toi-même tes petites culottes, non ? Même que Nadine Plateau, ta « conscience sociale» (c’est ainsi que tu l’appelles, non ?), avait adoré ça, non ? Pourquoi, tant que tu y es, n’enverrais-tu pas quelqu’un faire pipi à ta place ?

rouille-sang.


Je soigne un ulcère alors que je me suis peut-être chopé (ah ! ce « poulet

- Arrête, douchka ! Ngbanzo Lamangale ne va pas aimer ça, je te dis ! Tout le monde n’apprécie pas ton « humour »… d’un goût plutôt douteux, non ?

- Goûteux, wiii !

de Max », responsable de tous mes maux) une hépatite.


Et, depuis hier, je ne dis plus la messe qu’avec l’eau de la nappe phréatique souterraine du gîte rural. Sans rien dedans. Pas même quelques rasades d’excellent sodabi… avec du jus de citron et

- C’est un cocktail que Gougoui sert à ses clients, petite chérie ! Et qui s’appelle, bien entendu, le « Nassogne » !

- Je connais, douchka ! J’y ai déjà goûté ! Excellent… Et très efficace aussi !

un peu de sucre et l’équivalent de deux ou trois glaçons pilés (ou, à défaut, de l’eau glacée)…


A ce propos d’hépatite, petite chérie, dans un bouquin d’Evguéni Evtouchenko (« Les baies sauvages de Sibérie », roman traduit du russe par Alain Préchac, Plon, 1982, pp343s) que j’ai déniché, dans les WC littéraires de Nassogne, parmi les livres mis à la disposition des clients du gîte, j’ai découvert

- Je t’avais déjà fait savoir, petite chérie, que tout ce qui se passait ou se trouvait à l’intérieur de mon corps, je ne le « voyais » pas… et que j’étais donc bien incapable de le décrire !

une « description » qui pourrait très bien convenir à mon état.


« (Tikhon Tikhonovitch) avait été tiré de son sommeil par une pesanteur encore vague, sourde, située dans le bas du ventre… (Il) avait connu plus d’une gueule de bois dans sa vie, plutôt colorée dans ce domaine, et il ne pouvait pas ne pas se rendre compte qu’il s’y mêlait cette fois quelque chose de nouveau, qui était plutôt effrayant. Une douleur lancinante venait de faire son apparition, qui ne cessait de s’accuser davantage et ne tarda pas à lui enserrer le bas-ventre d’un anneau de feu. Tikhon Tikhonovitch se mordit les lèvres jusqu’au sang pour ne pas se mettre à hurler… Il voulut se lever mais n’y parvint pas : la douleur l’avait tordu, plié en plusieurs morceaux. Tout en se tortillant dans d’affreuses convulsions, Tikhon Tikhonovitch se mit à ramper sur le plancher… »


De quoi s’agissait-il ? Un diagnostic a-t-il été posé ? Par quel médecin ?


Daria Sébastianovna, Youre Sérafimytch et Zoïa


Le toubib, la doctoresse Zaloguina…

- Appelez-moi Daria Sébastianovna !

qui, en fait, était la propre fille de Tikhon Tikhonovitch dont celui-ci ignorait même l’existence et qu’il n’avait

- Forcément, douchka ! Forcément…

jamais vue et qui ressemblait étrangement


« Les mêmes yeux aux reflets de malachite, les mêmes sourcils noirs fournis, les mêmes pommettes proéminentes recouvertes d’une peau hâlée, tendue »


à sa mère, morte en couches, dont Tikhon Tikhonovitch avait été très amoureux dans un passé lointain et « sur la poitrine nue de laquelle il avait aspiré des merises

- C’est quoi ça, petite chérie ? Une faute d’orthographe ou une faute de frappe ? Ma culture ne serait-elle pas sans limites ?

- Elle ne l’est pas, douchka ? Tu « vois » plein de choses (exactes ou aberrantes), tu « entends » plein de choses (vraies ou fausses) et tu « sens » plein de choses (en plein dans le mille ou totalement à côté de la plaque)… mais tu n’as vraiment aucune culture !

avec ses lèvres, quarante-trois ans plus tôt, sur la colline dite du Mont Tordu » mais qu’il avait trahie, elle et sa famille, alors qu’il était, à l’époque « un élégant jeune homme traquant les koulaks en Sibérie »)… la doctoresse Zaloguina, disais-je (cesse donc de m’interrompre tout le temps, on dirait que tu y prends un malin plaisir) donne à Tikhon Tikhonovitch un « diagnostic brutal mais exact », écrit l’auteur dans la préface de son bouquin, de la maladie dont souffre le patient : ce n’est pas un ulcère, ni une appendicite, ni un problème de prostate, ni une colique néphrétique mais plutôt une colique hépatique. Un calcul obstruant des canaux biliaires… ou du sable.


« - Du sable ? Quel sable ? » demanda Tikhon Tikhonovitch, au comble de la terreur… »


Et le traitement ? Quel médicament Daria Sébastianovna a-t-elle prescrit à Tikhon Tikhonovitch ?


Daria Sébastianovna a ordonné à l’infirmière de faire une injection de baralguine à Tikhon Tikhonovitch. Mais se posait quand même un grand problème.


« L’énorme infirmière d’allure hommasse, dont les mains dignes d’un ouvrier des forges étaient étrangement parées d’ongles couleur carotte, chuchota quelques paroles à l’oreille de la doctoresse

- La baralguine a été mise de côté pour Youre Sérafimytch… Ce sont les six dernières ampoules.

- Qui est-ce, ce Youre Sérafimytch ? demanda la doctoresse en fronçant les sourcils.

- Comment, qui est-ce ? Le gérant du rayon des chaussures, celui qui vous a procuré des bottes italiennes… »


Mais le grand problème a rapidement été rapetissé (et, de ce fait, ce grand problème est devenu

- Il va oser ? s’interroge Jipéji en bavant dans son écuelle de porridge… soigneusement mitonné en observant scrupuleusement les prescriptions d’une nouvelle recette devant normalement figurer, à ma demande générale, dans la deuxième édition de « La cuisine molle pour édentés »…

- Il osera ! Quand sa femme n’est pas là, ce grotto-là n’a vraiment plus de limites ! continuent de s’apitoyer Viviane et Jean-Emile…

un « petit

- Il a osé ! Mawa vraiment…Hein qu’il est content, le douchka ? Il a pu la sortir sa petite « feinte »…Personne n’a réussi à l’en empêcher ! Quel sale gamin, j’ai pour mari ! se désespère Ana…

problème ») et a été réglé, énergiquement, par Daria Sébastianovna :


« A ces mots, la doctoresse s’empourpra. Ses sourcils noirs se froncèrent si fort qu’ils se rejoignirent au-dessus de la malachite des pupilles :

- N’oubliez jamais, Zoïa, dit-elle à l’infirmière, que c’est un hôpital ici, pas un marché aux puces. Il ne manque plus que cela, que nous nous mettions à échanger des médicaments contre des bottes ! Vous ne voyez pas combien cet homme souffre ? Faites-lui une injection. Et choisissez l’aiguille la plus fine que vous trouverez ».


Et, pendant ce temps-là, Tikhon Tikhonovitch n’arrêtait pas de se creuser la cervelle.


« J’ai déjà vu ces sourcils, je les ai vus. Ils se rejoignaient exactement ainsi (pensait-il) en présentant docilement son bras et en fermant les yeux comme une victime prête au sacrifice.

Après la piqûre, il se sentit mieux. La douleur au ventre devint diffuse et ne laissa qu’une sensation de lourdeur. Aussi osa-t-il se montrer plus curieux :

- Savez-vous, docteur, j’ai l’impression que je connais votre physionomie… »


Bon, ça suffit comme ça, nous en savons assez sur Tikhon Tikhonovitch, responsable local chargé de la récolte des baies, et Daria Sébastianovna, doctoresse de service à l’hôpital le plus proche.

Abandonnons-les à leur destin ! Ne lisons pas plus avant !


Si on le laisse faire, en effet, Tikhon Tikhonovitch, vieux coureur de jupons, pourrait fort bien, dans un chapitre ultérieur, être tenté

- Mais non, douchka ! J’ai déjà parcouru tout le livre (fallait-il que je sois constipée…), il y a trois ans, dans les WC littéraires de Nassogne… et rien de tel ne se produira jamais… et, d’ailleurs, chaque chapitre est une histoire différente… et Tikhon Tikhonovitch, je t’en informe, n’osera jamais s’identifier clairement et faire connaître ou exprimer « ses sentiments » à Daria Sébastianovna… ni en tant que géniteur putatif, ni comme soupirant éventuel…

de coucher avec sa propre fille… et de lui faire un enfant…comme, à Nassogne, dans l’autre sens mais avec une égale perversité, le jeune bouc de Gougoui ne s’est pas gêné d’enceinter sa propre mère…

Je ne veux pas lire ça.

- Tu es complètement tordu, douchka !


D’autant plus que, si je calcule bien, à l’époque de ces « retrouvailles », Daria Sébastianovna se tapait dans les plus de quarante ans, ce qui correspond à l’âge approximatif que devait avoir sa grand-mère (dont Tikhon Tikhonovitch avait, dans le temps, trompé la vigilance génitoriale) au moment où l’élégant traqueur de koulaks contait fleurette à la toute jeune fille qu’était alors sa maman… et qu’il lui aspirait, avec les lèvres, des merises mures sur la poitrine nue…

- Mais non, douchka , mais non ! Tikhon Tikhonovitch, à la fin du chapitre, s’est tout simplement assis « dans l’ombre d’une marche », puis il s’est « couvert le visage avec les mains » et a « éclaté en sanglots »… et « lorsque toutes les larmes furent sorties (de son) corps, il (s’est mis) à penser à une bêtise : il (s’est demandé) comment il (allait pouvoir) trouver des ananas pour la doctoresse »…

- S’asseoir « dans l’ombre d’un marche » ? Je ne veux pas lire ça non plus, petite chérie !

- Tu es complètement taré, douchka ! On devrait t’enfermer !


Les WC littéraires de Nassogne se rappellent au bon souvenir de leurs excellents clients


Et hop, je ne lis donc pas ça et je me frotte le cul ça et je tire la chasse ça et je me lave les mains (avec du savon) et j’ouvre la porte ça et je sors des chiottes ça et…

je tombe sur qui ?

Sur Kangni Alem, évidemment, planqué dans le couloir, qui, aussitôt, me harponne

- Dis-moi, Vieux Didier, combien ça t’a coûté, cette consultation médicale aux WC littéraires de Nassogne ? A combien s’élevait l’ « autant » ?

- J’ai pris le bouquin d’Evtouchenko par hasard (première petite étagère à droite… verte, rectangulaire… premier livre) et, toujours par hasard, je suis dérékitima tombé sur les bonnes pages (il faut dire que le nom du personnage a tout de suite fait tilt dans ma caboche : Tikhon Tikhonovitch !), les pages 343s… Et donc, tout ça ne m’a pas pris beaucoup de temps… Mais, en tout cas, mon cher Kangni, depuis l’agression dont elle a été victime, Madame Pipi, la chaisière intransigeante des toilettes du gîte est toujours à l’hôpital et le poste de péage ne fonctionne plus… pour l’instant (on verra ça après les fêtes) : les usagers, en effet, n’approuvaient pas cette initiative et commençaient même à s’énerver ! Ils refusaient de payer le droit d’uriner un trop plein de bières qui leur avaient dûment été portées en compte par Fo Bomboma : « il s’agit-là d’une double facturation », protestaient-ils.


Alain Germoz avait-il raison ?


Bon, maintenant, petite chérie, il est temps de conclure et…

- Baralguine était sans aucun doute un membre éminent de l’Académie des sciences ou du Comité central du Parti communiste de l’ex-Union soviétique… Peut-être ne trouverai-je pas l’équivalent exact dans la classe politique ou scientifique nassognarde, badjaenne ou loméenne… Mais ne t’en fais pas, petite chérie, lundi, si ça ne va pas vraiment mieux, j’irai consulter le docteur Kuzeawu, le cardiologue allemand d’Aflao Gakli… ou peut-être ferai-je appel à Paulo Carter, l’éminent détective que tu connais si bien et qui m’a fait savoir qu’il était toujours disponible ! Et qu’il était près, en cas de coup dur, à se porter à mon secours ! Comme dans le bon vieux temps du Zoeloe Bar, à Leuven !

- T’as intérêt, douchka ! Si tu ne guéris pas, j’annule mon voyage au Togo et je renonce à te rejoindre ! Je ne vais quand même pas me déplacer jusqu’à Nassogne pour y jouer à l’infirmière !

- Et toutes les sauces que Gougoui t’a préparées, petite chérie, et que tu vas manquer ? La sauce gombo bien gluante que tu adores, le deku (la « sauce graine »… ou la « moambe » comme on dit au Congo), la sauce tomates-oignons, avec du petit poisson fumé (pilé très fin), la sauce épinard (avec du gros poisson fumé entier… mais également du bœuf, du crabe, du poulet, des graines de courge et du piment) (et du gari bien croquant, évidemment) ? Et la « sauce arachide » (avec du mouton, de la pâte d’arachides, des tomates fraîches et beaucoup de petites aubergines, vertes et jaunes) ? Et la pintade grillée ? Et les perdrix sauvages flambées au sodabi ? Et le cochon de lait rôti au four ? Et les bloms ? Et les brochettes d’escargots ? Et les brochettes de mouton (chair et tripes) servies avec du « ablo » reposant sur des feuilles de bananier ? Et les brochettes de chien qu’on prépare dans le Nord, entre Kara et Dapaong ? Et les sauces et les brochettes d’agoutis venant d’Amouzou-Kopé ? Et les chauves-souris d’Atakpamé (à manger en cachette car elles sont protégées par un traité international sur les espèces menacées) ? Et l’omelette togolaise avec des tomates et des ignames (et du gari) ? Et la salade « telle qu’on l’aime et qu’on la prépare au Togo » (avec de la laitue, des tomates, des oignons, des ignames, des sardines, des macaronis et du bœuf frit découpé en très petits morceaux) ? Et les ignames frites ? Et les botocoins ? Et le zoè, une espèce de turron togolais, fait avec de l’arachide, du sucre et du piment écrasés ? Et les épis de maïs grillés ou bouillis ? Et le foufoui de manioc et d’ignames (bien élastique !) ? Et le foufoui de bananes plantain ? Et la pâte de maïs non torréfié avec, éventuellement, un peu de farine de manioc ou du gari ? Et le djinkoumé (maïs, tomates, huile rouge), le mets que les féticheurs préfèrent ? Et le djongoli (une pâte faite à base de maïs torréfié, comme le djinkoumé, mais avec, en plus, des haricots) ? Et la sauce au piment, l’ébéssesi ou « eau de piment », qu’on appelle aussi « moyo » ? Et le « son cubé » ?

- Le « son cubé », douchka ? C’est un nouveau plat que Gougoui propose à ses clients ?

- C’est le plat dont raffolent les poules, les pintades et les canards !

- Beeek ! Je parie que même les chiens ne mangent pas ça !

- Gougoui a bien essayé de leur en donner… mais Pit, Bull et Dog n’en ont jamais voulu ! Tu devrais quand même essayer, petite chérie : les pourceaux (le verrat, les deux truies et les onze gorets) adorent…

- Oui, c’est bien ce que je pensais ! Alain Germoz avait raison : il y a des gifles qui se perdent !

d’aller au lit.


Tu m’aimes ?